Les acteurs économiques et financiers sont explicitement appelés à contribuer aux objectifs de développement durable (ODD) pour participer à un développement économique soucieux de respecter les populations et la planète. Voici les raisons qui les motivent à participer à l’effort commun et la façon dont ils y contribuent aujourd’hui.
Par leur puissance économique, les entreprises, actionnaires et investisseurs ont le pouvoir de contribuer positivement à la réalisation des ODD, ou au contraire de faire obstacle à leur atteinte. Entreprises et investisseurs peuvent contribuer positivement aux ODD en développant des modèles d’affaires qui répondent directement à un ou plusieurs de ces objectifs tout en essayant de limiter leurs impacts négatifs par exemple sur le climat, la santé ou encore l’emploi.
Les entreprises sont de plus en plus appelées par leurs parties prenantes à montrer comment elles contribuent à la résolution des grands défis mondiaux. Les ODD permettent aux entreprises de voir si leur stratégie est alignée avec ces attentes et ces grands enjeux.
Les ODD peuvent aussi être une grille d’analyse pour détecter les opportunités de marchés ou, dans le cas d’un investisseur, d’identifier les entreprises qui seront le plus à même de les saisir.
Pour contribuer aux ODD, il ne s’agit plus de seulement réduire ses impacts négatifs, comme c’est encore trop souvent le cas dans une démarche de responsabilité sociétale, mais de voir comment son modèle d’affaires contribue positivement à la durabilité de la planète. Et ce, dans le cadre d’objectifs définis par des acteurs multiples et internationaux si possible, validés par la science. Dans le cas de l’action climatique, c’est l’idée de l’initiative Science Based Targets qui permet de voir si les objectifs de l’entreprise sont en ligne avec ce qui est demandé par l’Accord de Paris.
Selon les données de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement), le coût des ODD est estimé entre 5 000 et 7 000 milliards de dollars par an. Une partie importante est dédiée aux infrastructures résilientes au changement climatique.
Le financement des Objectifs de développement durable semble assuré pour les pays en développement. Mais l’écart de financement est important dans les pays en développement, qui comptent pour près d’un tiers des dépenses. Selon le Fonds monétaire international (FMI), il leur manque 2 600 milliards de dollars par an, particulièrement dans les domaines de la santé, de l'éducation, des infrastructures routières et énergétiques, de l'eau et de l'assainissement. Pour les pays en développement à faibles revenus, cela signifie des dépenses annuelles supplémentaires pouvant atteindre 15 % de leur produit intérieur brut.
La solidarité financière est attendue entre pays développés et en développement et est actée dans l’ODD 17 sur les partenariats. Cependant, l’aide publique au développement (APD) réelle est loin d'être à la hauteur des engagements des pays développés qui avaient promis d’y consacrer 0,7 % de leur PIB en 1970. En 2019, l'aide cumulée des pays contributeurs ne dépasse pas les 0,3% de leur PIB selon l'OCDE. D’où l’importance de développer le financement privé.
Les Objectifs de développement durable pourraient générer des opportunités commerciales de l’ordre de 12 000 milliards de dollars par an selon l’étude "Better Business, better world" publié en 2017 par la Business and Sustainable Commission (BSC). Quatre grands secteurs d’activité, essentiels à la réalisation des ODD et représentant 60 % de l’économie réelle, sont particulièrement concernés : l’alimentation et l’agriculture ; la construction et l’urbanisme ; l’énergie et les matériaux ainsi que la santé et le bien-être.
Les opportunités sont importantes car il s’agit d’inventer et de développer des modèles d’affaires alternatifs à l’économie dite linéaire (produire, consommer, jeter) comme l’économie circulaire, l’économie de la fonctionnalité, l’économie collaborative ou le biomimétisme. Plus concrètement, l’étude cite les smart cities, les micro-fermes urbaines, les services individualisés de santé, les nouvelles formes d’énergie et de stockage, ou encore les matériaux innovants.
Ces différents secteurs pourraient fournir 380 millions d’emplois, en très grande majorité dans les pays en développement et notamment dans la construction de logements abordables.
Il existe une forte prise de conscience, au niveau mondial, de l’intérêt des ODD pour les acteurs économiques. 72 % des entreprises interrogées par le cabinet Pwc au niveau mondial (730 entreprises dans 21 pays) ont intégré les ODD dans leur communication publique, selon leur rapport 2020. Cependant, si la référence aux ODD est devenue un passage obligé pour les grandes entreprises internationales en termes de communication, leur intégration dans la stratégie est loin d’être acquise. Selon la même étude, 25% des entreprises analysées intègrent les ODD dans la présentation de leur stratégie Business.
Les grandes entreprises françaises sont encore plus nombreuses à communiquer sur les ODD : 92% de celles qui adhèrent au Global Compact, la branche entreprises de l’ONU, le font. Mais là encore, pour les entreprises du CAC40 et du SBF120, les ODD permettent globalement d’accompagner la stratégie RSE sans bouleverser les modèles d’affaires, notamment avec la création de produits et services dédiés, selon une étude Novethic/B&L évolution.
Si les ODD doivent bien être pris en compte dans leur globalité, les entreprises les plus avancées sur ce sujet définissent cependant des objectifs prioritaires sur lesquels elles peuvent contribuer de manière significative. Parmi les principaux les ODD les plus cités : la lutte contre le changement climatique, le travail décent et la croissance économique ainsi que la production et consommation responsable. Des ODD qui correspondent aux objectifs stratégiques des entreprises ou sur lesquels elles ont un important levier d’action.
Le problème reste celui de la mesure de cette contribution. Les indicateurs utilisés restent souvent spécifiques à l’entreprise et sont donc peu comparables. Les entreprises ont également tendance à réutiliser ceux de la mesure extra-financière (ex : déclaration de performance extra-financière) qui restent pourtant insuffisants dans le cadre d’une mesure d’impact plus à même de mesurer la contribution aux ODD.
Enfin, il est intéressant de voir que la plupart des entreprises françaises déclarent reporter sur les ODD pour se conformer aux attentes des investisseurs (en direct ou via des agences de notation) alors que ceux-ci estiment ne pas avoir suffisamment d’indicateurs pertinents sur le sujet.
Pour les plus gros investisseurs, difficile également de faire l’impasse sur les ODD dans la communication extra-financière. En France, cela est notamment lié à leurs obligations en matière de reporting ESG (environnement, social et gouvernement) définis par la loi de Transition énergétique.
Comme pour les entreprises, les investisseurs définissent des ODD prioritaires sur lesquels agir. Ils sont peu ou prou similaires, c’est-à-dire orientés sur la question climatique (ODD 13 et 7) et la croissance économique (ODD8).
Les ODD restent plus un guide d’évaluation des investissements existants en portefeuilles qu’un outil de décision d’investissement mais on note une volonté affichée d’y parvenir. On recense encore peu d’investissements dédiés ODD et ceux-ci restent très attachés à finance verte (green bonds, actifs forestiers, infrastructures vertes) ou liés au logement décent. Quelques social bonds sont mentionnés, essentiellement par les acteurs publics (agence de développement notamment). Mais plusieurs experts s’accordent sur le développement de sustainability ou SDG bonds (obligations ODD). Là encore, la mesure d’impact semble être un frein à l’intégration plus concrète des ODD.
Les besoins sont pourtant immenses : Seuls 2 500 milliards d'euros sont mobilisés chaque année alors que 5 000 à 7 000 seraient nécessaires. Et les pays en développement reçoivent de moins en moins d’aide publique au développement.
En savoir + : les outils financiers au service des ODD
À ce stade, il reste une impression de rendez-vous manqué entre investisseurs et entreprises sur la question des ODD (voir notre étude ici). Alors que ce référentiel est porteur d’un langage commun, il reste peu vecteur de dialogue et semble freiné par la complexité de son intégration opérationnelle et la difficulté de sa mesure.
En savoir + : les actions des acteurs économiques, notre série sur l'Essentiel de la finance durable.
Si les grands acteurs économiques et financiers ont rapidement adopté les Objectifs de développement durable dans leur communication, ils reportent essentiellement sur leur contribution positive en omettant l’impact négatif que leurs activités peuvent avoir sur les différents ODD. Il existe donc un réel risque d’ODD washing, une variante du Greenwashing.
Si l’on prend l’exemple d’un fabricant de tabac, a priori celui est considéré, de part son activité, comme un acteur faisant obstruction aux ODD, notamment à celui sur la santé (ODD3) ou de la protection des océans (ODD 14) et à l’eau potable (ODD6) car les mégots sont source de pollution de l’eau. Pourtant, certaines entreprises du secteur n’hésitent pas à affirmer qu’elles contribuent positivement à l’ensemble des ODD, particulièrement à celui sur la santé en mettant sur le marché des cigarettes électroniques qu’elles jugent moins nocives ou à celui sur l’eau car elles réduisent la consommation nécessaire à la fabrication des cigarettes...
Si un tel fabricant peut être considéré comme un meilleur de la classe ("best in class") dans son secteur par une approche dite ESG (basée sur une analyse des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), les agences de notation extra-financières utilisant les ODD dans leur grille d’analyse les classent bien comme "obstructeurs significatifs".
Autre exemple, plus complexe, celui des voitures électriques, un constructeur automobile peut avoir un impact positif sur l’ODD 13 concernant la lutte contre le changement climatique mais peut faire obstacle à l’ODD 16 sur la paix et à l’ODD 8 sur le travail décent car le cobalt nécessaire à la construction des batteries provient de RDC, zone à risque en matière de minerais alimentant les conflits.
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Page mise à jour en 2021, par Béatrice Héraud