Définition d’une loi “omnibus” dans la législation européenne

Une loi “omnibus” désigne, dans le cadre de la législation européenne, une initiative législative qui regroupe plusieurs modifications ou révisions de textes existants sous une seule et même proposition. Une loi omnibus peut être une directive ou un réglement européen, dont l’objectif principal est de simplifier, harmoniser ou adapter le cadre réglementaire pour répondre à des enjeux spécifiques, tout en réduisant la complexité administrative pour les parties prenantes.

Loi omnibus, CSRD, CSDDD et transformation durable

Dans le contexte des réglementations liées au Green Deal européen sur la transition durable, la Commission Européenne a proposé en 2025 un projet de loi ou directive “omnibus” visant à rationaliser ou simplifier les réglementations en lien avec :

  1. La directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) : imposant des obligations accrues de transparence aux entreprises sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
  2. Le règlement sur la taxonomie verte : définissant des critères clairs pour identifier les activités économiques durables afin de guider les investisseurs et promouvoir une finance durable.
  3. Le devoir de vigilance européen (CS3D) : qui introduit des obligations aux entreprises pour identifier, prévenir et atténuer les impacts négatifs de leurs activités sur les droits humains et l’environnement dans leurs chaînes de valeur.
  4. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) : qui met en place une “taxe carbone” pour les produits importés en Europe, dans certains secteurs industriels (fer, acier, aluminium, ciment, engras, hydrogène, électricité…)

Omnibus : l’UE confirme la dérégulation de la CSRD, de la taxonomie et du devoir de vigilance

Une directive omnibus pour “simplifier” ou affaiblir le Pacte Vert

Officiellement, ce projet de directive omnibus ambitionne d’assurer une meilleure cohérence entre ces initiatives législatives tout en réduisant les charges administratives pour les entreprises. Elle fait suite notamment au rapport Draghi, qui préconisait de “simplifier” les réglementations sociales et environnementales européennes pour favoriser la compétitivité.

Le projet de directive omnibus a toutefois suscité de nombreuses inquiétudes parmi les professionnels de la transformation durable et les acteurs de la protection environnementale. Ces derniers craignent notamment que le projet de simplification aboutisse en réalité à un affaiblissement des normes environnementales votées avec le Green Deal européen, et retardent donc la transformation durable des acteurs économiques.

Comment est mise en place une loi omnibus ?

Il existe deux types de législations omnibus au niveau de l’Union Européenne, qui reflètent les types de législations habituelles de l’UE : les règlements omnibus et les directives omnibus.

Les règlements omnibus sont adoptés par le Conseil européen et parfois avec le Parlement sur proposition de la Commission européenne, ou directement par la Commission, et s’appliquent directement dans le droit des pays membres de l’UE sans transposition. Ils sont conçus pour modifier des règlements existants, comme le règlement omnibus qui avait simplifié le règlement sur le volet financier de la Politique Agricole Commune.

Les directives omnibus visent quant à elles à modifier les directives existantes. Elles sont en général proposées par la Commission Européenne, et doivent être adoptées par le processus législatif européen du “trilogue” qui implique une lecture de chaque instance européenne : le Conseil, le Parlement et la Commission. Une fois adoptées et votées, les directives omnibus doivent en principe être transposées par les Etats-membres de l’Union Européenne.

Dans le cadre du projet de directive omnibus liée à la CSRD et aux règlementations du Green Deal européen, la directive omnibus devrait être proposée par la Commission européenne d’ici à fin février 2025. Elle ouvrira une période de renégociation profonde des textes européens.

Que contient la directive omnibus sur le Green Deal européen ?

La législation omnibus visant à simplifier le Green Deal européen est encore en discussion, mais d’ores et déjà plusieurs propositions ont été mises en débat par les partenaires européens pour “simplifier” la CSRD, la directive sur le devoir de vigilance ou encore la taxonomie européenne.

Le report de la CSRD et de la CS3D de deux ans et un an respectivement a ainsi été voté par les parlementaires européens lors d’une procédure d’urgence le 3 avril 2025. Mais d’autres propositions seront discutées dans les prochains mois.

Il est notamment envisagé de créer une catégorie nouvelle catégorie d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) dite “mid-caps” pour les entreprises de 250 à 1 000, 1250 ou 1500 salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 milliard d’euros ou dont le bilan est inférieur à 2 milliards d’euros. Pour ces entreprises, les obligations de reporting dans le cadre de la CSRD seraient revues à la baisse (en s’alignant notamment sur les standards soit des PME côtées soit des standards volontaires pour les PME). Jusqu’à 31 000 entreprises européennes se verraient ainsi pratiquement exemptées des obligations complètes de transparence environnementale et sociale.

  • Révision de la CSRD

Les premières propositions de la Commission européenne en matière de révision de la CSRD, qui devront encore être discutées au Parlement européen et au Conseil, sont les suivantes :

  • Retrait de 80% des entreprises du champ d’application de la CSRD, en passant le seuil d’applicabilité de 250 à 1 000 salariés (pour 50 millions d’euros de chiffre d’affaires)
  • Report de deux ans les obligations de reporting pour les entreprises actuellement soumises à la CSRD pour les vagues 2 et 3 qui devront donc reporter en 2028 et 2029 (au lieu de 2026 et 2027).
  • Révision des ESRS par l’Efrag afin de limiter le nombre de points de données, notamment en se focalisant sur les données quantitatives.
  • Modification du périmètre de la “chaîne de valeur” à l’entité elle-même, pour limiter l’effet de cascade sur les fournisseurs. 
  • Pour les entreprises de moins de 1 000 salariés, possible application volontaire du standard volontaire pour les PME (VSME) sans double matérialité.

 

  • Révision de la CS3D sur le devoir de vigilance

Concernant la directive sur le devoir de vigilance, le report pourrait être de deux ans. Un report “sine die” a également été évoqué par les autorités françaises. Selon un document de travail de la Commission européenne, un affaiblissement considérable de la directive serait envisagé autour de plusieurs propositions :

  • La diligence raisonnable de la chaîne de valeur pourrait être limitée limitée aux fournisseurs directs (rang 1 ou tier 1)
  • Aucune diligence raisonnable pour les entreprises de moins de 500 employés dans la chaîne de valeur
  • La diligence raisonnable n’aurait plus à être effectuée que tous les 5 ans
  • Aucune obligation de mettre un plan un plan de transition crédible
  • La portée de la définition de “partie prenante” pour l’engagement serait considérablement réduite
  • Aucune obligation de mettre fin aux relations commerciales en cas de violation des droits
  • Suppression du régime de responsabilité civile à l’échelle de l’UE
  • Suppression du futur régime de diligence raisonnable pour les institutions financières
  • Les États membres de l’UE sont juridiquement limités dans l’introduction de règles plus strictes pour lutter contre les violations des droits de l’homme et de l’environnement

 

  • Vers une taxonomie factultative ?

Concernant la taxonomie verte :

  • Seuils d’applicabilité de la taxonomie alignés à 1 000 salariés
  • Introduction d’une possibilité de rendre compte des activités partiellement alignées sur la taxonomie
  • Introduction d’un seuil de matérialité financière pour le reporting de la taxonomie
  • Réduction des obligations de reporting de 70%
  • Révision du principe “Do no Significant harm” (DNSH) en lien avec les pollutions chimiques, après une “consultation avec les parties prenantes”
  • Exclsuion possible pour les banques des actifs correspondant à des entreprises exclues de la CSRD dans leur Green Asset Ratio

Pour en savoir plus, voir :