Publié le 25 octobre 2025

De plus en plus de salariés s’accrochent à tout prix à leur emploi face à une économie incertaine : c’est le "job hugging". Un phénomène en opposition totale avec la grande démission qui avait secoué les entreprises américaines au sortir de la crise du Covid-19.

Pour les salariés américains, l’heure n’est plus à la grande démission. Face à une conjoncture économique incertaine, ils sont de plus en plus nombreux à ne pas vouloir prendre le risque de changer d’emploi, même s’ils se considèrent insatisfaits ou mécontents. Un phénomène émergent qui porte le nom de "job hugging". Ce nouvel ajout au lexique du travail désigne le fait pour les employés de s’accrocher à leur poste comme à une bouée de sauvetage. Mais ce néologisme traduit avant tout une forte inquiétude des salariés quant à leur avenir.

"Les licenciements qui ont suivi ce qui était ‘censé’ être une période de reprise après la crise sanitaire de 2020 ont renforcé l'insécurité sur un marché déjà fragilisé, avance auprès de Forbes Jennifer Schielke, PDG et cofondatrice du cabinet de recrutement Summit Group Solutions. S'accrocher à ce que l'on a semble être une stratégie logique pour garantir sa stabilité et sa sécurité". En cause, donc, l’incertitude alimentée notamment par la politique américaine sur les tarifs douaniers ou les licenciements massifs au niveau fédéral, mais également l’adoption croissante de l’intelligence artificielle par les entreprises du monde entier.

"Au-delà des tensions géopolitiques et du ralentissement de la croissance mondiale, ce coup d'arrêt s'explique aussi par l'évolution accélérée des métiers, surtout chez les cols blancs, bousculés par l'arrivée massive de l'IA", confirme Éric Gras, spécialiste du marché de l'emploi chez Indeed, interrogé par Le Point. Dans une enquête menée par le cabinet de recrutement LHH, 46% des cadres dirigeants interrogés affirment en effet avoir déjà réduit leurs effectifs pour faire place à l’IA, tandis que 54% prévoient de le faire dans les cinq prochaines années.

65% des salariés se sentent "coincés"

Outre-Atlantique, les données du marché de l’emploi témoignent d’ailleurs de cette nouvelle frilosité. En août 2025, le taux de démissions a atteint 1,9%, soit le niveau le plus bas observé depuis 2015 – sans compter la période de pandémie - rapporte le Bureau américain des statistiques du travail. Parallèlement, une grande majorité des salariés déclarent ne pas envisager de changer d’emploi durant les six prochains mois, d’après l’indice développé par le cabinet de conseil Eagle Hill. Une inertie qui crée un cercle vicieux : plus les employés s’accrochent à leur emploi, moins de postes se libèrent et moins ils se sentent dans de bonnes dispositions pour démissionner.

La tendance est donc au "great stay" ("le grand maintien"), mais elle ne pourrait être que temporaire. Alors que 65% des employés se sentent "coincés" dans leur poste actuel d’après un rapport de Glassdoor publié en 2024, ils perdent graduellement leur engagement. Résultat, "une fois que le marché se redressera, je pense qu'il sera très actif, car il y a une forte demande refoulée, du genre : ‘Je suis malheureux ici depuis un certain temps, mais j'attendais simplement une meilleure opportunité ou un meilleur marché pour partir’", explique à Fortune Stacy DeCesaro, consultante en gestion pour le cabinet de conseil Korn Ferry.

Pourrait ainsi apparaître un second grand mouvement de démissions, quelques années après le phénomène viral de la "great resignation", qui avait ensuite été suivi par les tendances du "conscious", "loud" ou encore du "revenge quitting". Entre 2021 et 2022, 97 000 salariés avaient alors quitté leur emploi aux Etats-Unis afin de poursuivre une quête de sens ou d’exprimer un ras-le-bol face à leurs conditions de travail.

 

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