Le devoir de vigilance est une obligation faite aux entreprises donneuses d’ordre de prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance liés à leurs opérations mais qui peut aussi s’étendre aux activités de leurs filiales et de leurs partenaires commerciaux (sous-traitants et fournisseurs). Le devoir de vigilance fait l’objet de plusieurs législations ou projets de législations dans le monde, notamment en France.

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Le devoir de vigilance en France

En France, ce devoir s’incarne dans la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017). Celle-ci a été adoptée le 21 février 2017 par les députés et validée par le Conseil constitutionnel le 23 mars qui a toutefois censuré les amendes civiles prévues initialement par les députés.

La loi sur le devoir de vigilance a pour objectif de remettre le respect des droits humains au cœur des préoccupations des multinationales. Elle concerne les grandes entreprises : les sociétés françaises qui emploient au moins 5 000 salariés en France et celles de plus de 10 000 salariés dans l’Hexagone ayant leur siège social ailleurs dans le monde. Celles-ci doivent établir et publier un plan de vigilance pour prévenir les risques en matière d’environnement, de droits humains mais aussi de corruption sur leurs propres activités mais aussi celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France comme à l’étranger.

En cas d’accident les victimes, associations et syndicats, pourront saisir le juge pour faire respecter cette nouvelle obligation. Le juge pourra enjoindre sous astreinte l’entreprise à publier et mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance.

Ce texte a été élaboré en réponse à différents scandales comme la catastrophe d’avril 2013 au Bangladesh où un immeuble – le Rana Plaza – s’est effondré, entrainant la mort de plus de 1 000 salariés ou encore l’affaire du travail forcé sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar. Ces évènements ont provoqué une prise de conscience de l’Europe sur les conditions de travail des sous-traitants des grands groupes industriels européens.

Si cette loi a été bien accueillie par l’opinion publique, elle reste fortement contestée par le patronat qui craint une baisse de compétitivité pour les entreprises.

D’autres pays, notamment en Europe, examinent aujourd’hui la possibilité d’adopter des mesures inspirées de la loi française.

Le devoir de vigilance en Europe : qui est concerné ?

L’Europe s’est également dotée en avril d’une directive sur le devoir de vigilance européen, ou CSDDD / CS3D. Celle-ci était en discussion depuis 2021, et a fait l’objet de négociations entre les différentes instances européennes, avant d’être adoptées en trilogue en décembre 2023 et votée par le Parlement en 2024.

Le texte, ambitieux, instaure plusieurs mécanismes de responsabilité civiles et des amendes en cas de manquement aux obligations de vigilance. Seront concernées :

  • Toute entreprise européenne employant plus de 1 000 salariés (contre 5 000 dans la législation française) et réalisant un chiffre d’affaires net mondial supérieur à 450 millions d’euros sera ainsi soumise au devoir de vigilance.
  • Les entreprises non européennes mais opérant en Europe et y réalisant au moins 450 millions d’euros de chiffre d’affaires seront également concernées.

Voir aussi : Que va chanter la directive sur le devoir de vigilance européen ?

Le renforcement de l’obligation de vigilance des entreprises

Progressivement, le devoir de vigilance devient l’une des pierres angulaires de la responsabilité juridique des grandes entreprises en matière sociale et environnementale, et s’impose comme l’un des grands leviers de la transformation durable des acteurs privés. Aux Etats-Unis, la SEC (Securities and Exchange Commission) réfléchit d’ailleurs à une réglementation similaire au devoir de vigilance européen. En France, le devoir de vigilance commence à s’installer dans le paysage juridique, avec la création d’une cour spéciale sur le devoir de vigilance à la cour d’appel de Paris, tandis que les tribunaux judiciaires de première instance s’emparent aussi de la question du devoir de vigilance.

Parallèlement, les organisations non-gouvernementales et les associations de protection environnementale utilisent le devoir de vigilance pour attaquer en justice les multinationales lorsqu’elles estiment que des abus sont commis en matière sociale ou environnementale, ce qui mène progressivement à l’établissement d’une jurisprudence sur le sujet.