Huit mois après son arrivée à Matignon, François Bayrou est contraint à la démission. À l’issue du vote de confiance des parlementaires, lundi 8 septembre, le désormais ancien Premier ministre n’a pas obtenu la validation de l’Assemblée nationale. Dans un contexte de tensions sociales persistantes, il avait tenté de se positionner comme une figure de stabilité et de modération. Mais son passage laissera surtout l’image d’un exécutif gestionnaire, en retrait sur les grandes ambitions de transformation.
Sur le plan environnemental, les signaux de recul se sont multipliés. La loi Duplomb, promulguée au cœur de l’été 2025 malgré une censure partielle du Conseil constitutionnel, a symbolisé cette inflexion. Elle prévoyait de réautoriser un néonicotinoïde interdit, l’acétamipride, soulevant une vive contestation des ONG, une partie du monde scientifique — et des millions de citoyens, mobilisés via une pétition historique.
Plus tôt dans l’année, la loi d’orientation agricole avait donné le ton. Présentée comme une réponse à la crise du monde paysan, elle a soigneusement évité les choix structurels. Pas de cap clair sur les pesticides, pas de soutien renforcé au bio, pas de stratégie climatique à la hauteur. La transition n’a pas été rejetée : elle a été reportée. Le recul sur l’objectif Zéro Artificialisation Nette, la suspension des Zones à Faibles Émissions, ou encore le maintien du chantier très contesté de l’autoroute A69 ont tous été justifiés au nom du pragmatisme.
Cap sur la simplification
Même logique côté entreprises, où la promesse d’une économie responsable s’est heurtée à l’objectif de “simplification”. Alors que la France, lorsqu’elle présidait le Conseil de l’Union européenne, avait été particulièrement moteur pour pousser à l’adoption de la directive CSRD et du devoir de vigilance, sa voix s’est éteinte depuis quelques mois. La loi Omnibus s’oriente plutôt vers une déréglementation pour les entreprises, sans que Paris n’y trouve à redire.
Sur le plan social, le gouvernement a privilégié les ajustements à la marge. La réforme de Ma Prime Rénov’ a restreint l’accès des ménages modestes à la rénovation énergétique. La proposition de taxe sur les très hauts patrimoines, défendue par l’économiste Gabriel Zucman et soutenue au sein même de la majorité, a été discrètement enterrée. A la place, Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, travail sur une “contribution différentielle du patrimoine”, à l’assiette bien plus étroite que la taxe Zucman et au potentiel de recette pour l’Etat bien plus mince. Des travaux qui risquent désormais de tomber à l’eau.
La transition écologique a été diluée
L’urgence écologique et sociale n’a pas été niée. Elle a été diluée, renvoyée à plus tard, fragmentée au fil de décisions techniques et d’arbitrages silencieux. Dans deux jours, le 10 septembre, plusieurs mobilisations éclateront à travers le pays sous la bannière “Bloquons tout”, mêlant colère agricole, inquiétudes sociales et rejet des dernières annonces budgétaires. Un signal d’alarme plus qu’un mouvement structuré, mais qui témoigne d’un ras-le-bol profond.
Le prochain gouvernement devra composer avec cette exaspération diffuse, dans un climat politique fragilisé. Et dans ce contexte instable, sans cap clair ni coalition solide, la transition écologique risque encore une fois de passer à la trappe, repoussée toujours plus loin, à mesure que l’urgence, elle, continue de s’accélérer.