Publié le 6 septembre 2025

Agriculture intensive, énergies fossiles, activités minières… Les finances publiques mondiales soutiennent massivement des activités destructrices pour la nature, selon une récente estimation scientifique. A l’heure où les débats budgétaires se tendent dans le monde, ce constat appelle à repenser le cadre mondial des aides publiques aux entreprises.

Entre 1 500 et 2 700 milliards d’euros : c’est le montant des subventions publiques qui alimentent chaque année des activités économiques néfastes pour la nature, contribuant à la crise mondiale de la biodiversité. C’est ce que montre une récente étude publiée par l’Institut des sciences et technologies de l’environnement de l’Université autonome de Barcelone. 

Parmi les secteurs clés contribuant à la dégradation de la biodiversité recevant le plus de subventions, les chercheurs ont ainsi identifié l’agriculture, l’énergie, la pêche ou encore l’exploitation minière. Ils constatent également que les subventions accordées à ces secteurs le sont le plus souvent sans prendre en compte leur contribution à la dégradation des écosystèmes, et sans conditionnalité environnementale, provoquant entre 8 000 et 19 000 milliards d’euros de dégâts environnementaux chaque année dans le monde.

Des subventions pour l’agriculture, les mines ou les énergies fossiles

“Alors que les subventions pourraient être destinées à soutenir des activités qui protègent ou restaurent la nature (par exemple, la reforestation, l’agriculture sans pesticides, la gestion durable des pêches), le système actuel de subventions mondiales encourage principalement les activités qui accélèrent l’exploitation de la biosphère”, expliquent les scientifiques. Parmi ces activités, on retrouve notamment la production d’énergies fossiles (subventionnées entre 500 et 1 000 milliards d’euros par an), les activités agricoles (près de 700 milliards par an), les activités forestières (150 milliards par an), ou encore les activités minières (entre 50 et 100 milliards par an). Or chacun de ces secteurs participe à l’artificialisation des milieux naturels, à la déforestation, à la pollution des sols ou encore de l’air, contribuant ainsi à détruire les écosystèmes et leur biodiversité.

“La plupart des subventions à l’agriculture sont considérées comme néfastes pour l’environnement”, expliquent par exemple les chercheurs. En incitant à “l’intensification agricole”, la plupart des subventions visant l’agriculture contribuent ainsi à encourager la hausse de l’usage des engrais, des pesticides, ou des systèmes d’irrigation, et donc à pousser les modèles agricoles les plus néfastes pour la nature. Même chose pour les activités liées à la pêche : “les subventions à la pêche ont encouragé la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, entraînant une surpêche et un déclin de la biodiversité marine, ainsi qu’un risque accru pour la sécurité alimentaire de milliards de personnes vivant dans les zones côtières”, note le rapport, qui pointe aussi du doigt les activités minières qui sont le plus souvent réalisée dans les zones les plus riches en biodiversité de la planète.

Des données encore sous évaluées

Les chercheurs estiment par ailleurs “que ces chiffres sous-estiment l’ampleur mondiale des subventions et des externalités” associées aux activités destructrices pour la biodiversité, les données accessibles en matière de subventions publiques étant en effet encore parcellaires. “L’un des principaux messages de l’étude est qu’il n’existe actuellement aucun système permettant de contrôler le nombre de subventions accordées, leur destination et les activités qu’elles soutiennent” explique Victoria Reyes-García, scientifique de l’Université autonome de Barcelone à l’origine de l’étude. Alors que les débats se multiplient partout dans le monde autour des questions budgétaires, cette étude invite en tout cas à s’interroger sur la pertinence de continuer à utiliser l’argent public pour subventionner des activités destructrices pour les écosystèmes mondiaux, alors que la majorité du système économique mondial dépend des services écosystémiques.

En France, selon une évaluation d’un consortium d’universités françaises (Université Paris-Saclay, AgroParisTech, CNRS…), chaque année ce sont 27,14 milliards d’euros qui sont alloués au subventionnement d’activités néfastes pour la nature. Soit plus de la moitié de l’objectif de 40 milliards d’économies que se sont fixés les derniers gouvernements.

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