L’échéance approche. Le paquet Omnibus sur la simplification des normes de reporting est censé aboutir d’ici l’année prochaine. Les négociations entre les co-législateurs européens, Commission, Conseil et Parlement, devraient donc s’accélérer dans les prochains mois. La Commission avait donné le ton le 26 février dernier en adoptant sa position sur la directive et en la présentant aux autres instances. Le Conseil de l’Union européenne, l’organe qui représente les chefs des Etats membres, a adopté la sienne le 23 juin. Reste celle des eurodéputés, qui est attendue pour le mois d’octobre.
Deux textes intégrés dans l’Omnibus ont déjà vu leur sort réglé au cours de l’été. Le règlement sur la Taxonomie a fait l’objet d’un simple acte délégué, publié au début du mois de juillet, qui visait à réduire drastiquement les points de données à reporter tant pour les entreprises que pour les établissements financiers. Les négociations sur la taxe carbone aux frontières ont également avancé rapidement, puisque le Conseil et le Parlement se sont mis d’accord sur le texte le 18 juin 2025. Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) va voir son champ d’application largement réduit. Les importateurs ne dépassant pas 50 tonnes de marchandises importées par an ne seront ainsi pas concernés, ce qui devrait exempter 90% des entreprises du dispositif, tout en couvrant 99% des émissions importées liées aux secteurs couverts (fer, acier, aluminium, ciment, engrais). L’accord provisoire atteint par les instances européennes devrait être adopté de manière formelle dans le courant du mois de septembre.
Les normes de reporting de la CSRD bientôt adoptées
Les deux autres textes couverts par le projet de simplification de la Commission sont sans doute ceux qui ont fait le plus parler d’eux. A commencer par la Corporate sustainability reporting directive (CSRD), qui ambitionne d’obliger les entreprises à établir tous les ans un rapport de durabilité, de la même manière qu’elles produisent déjà un rapport financier, afin de les inciter à verdir leur modèle. Deux questions agitent les décideurs européens, au nom de la compétitivité des entreprises. D’abord celle du périmètre de la CSRD, la Commission voulant réduire le nombre d’entreprises concernées, en augmentant le seuil de salariés et de chiffre d’affaires des entreprises concernées. La version approuvée par le Conseil en juin prévoit ainsi que seules les entreprises de plus de 1000 salariés ayant un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros seraient concernées.
Le deuxième point de simplification porte sur les standards de reporting, mis en place par l’Efrag, le groupe de consultation de la Commission sur les normes comptables et extra-financière. L’objectif de l’Omnibus consiste à réduire sévèrement le nombre de points de données de durabilité à reporter par les entreprises afin de simplifier leur charge administrative. Pour ces normes, la Commission européenne a la main puisqu’elle peut agir par la voie d’un acte délégué.
Deux actes délégués pour les ESRS
Le 15 juillet 2025, elle a ainsi adopté un acte délégué dit “quick fix” pour les grandes entreprises de la vague 1, c’est-à-dire qui sont déjà soumises à la CSRD. Le “quick fix” leur permet de ne pas reporter sur certains standards dans leurs rapports 2025 et 2026, notamment ceux relatifs à la biodiversité, aux travailleurs dans la chaîne de valeur, aux communautés affectées ou aux utilisateurs finaux. Cette mesure est applicable dès à présent.
Mais les standards de reporting dits ESRS (European sustainability reporting standards) doivent être révisés plus globalement pour l’ensemble des entreprises. La Commission s’appuie pour cela sur l’Efrag, son groupe consultatif sur les normes comptables et non-financières, qui a élaboré les ESRS. Celui-ci a remis ses propositions le 31 juillet, en prévoyant de réduire de 68% les points de données à reporter, dont 57% pour les points de données obligatoires, et d’alléger l’analyse de double matérialité. Une consultation est en cours sur les propositions de l’Efrag, jusqu’au 29 septembre. L’Efrag remettra alors son avis technique définitif à la Commission fin novembre, ce qui permettra à cette dernière d’adopter un acte délégué.
Le devoir de vigilance européen fait polémique
Enfin, la Corporate sustainability due diligence directive (CS3D) est peut-être la mesure qui a le plus hérissé le poil des entreprises, inquiètes de devoir auditer toute leur chaîne d’approvisionnement internationale sur le respect des droits humains, mais qui suscite aussi le plus de débats entre les parlementaires européens. Certains, notamment à l’extrême droite, réclamant sa suppression pure et simple, d’autres insistant sur la nécessité de préserver cette obligation de surveillance du respect des droits humains dans toute la chaîne de sous-traitance.
A priori, le périmètre de la CS3D devrait lui aussi être réduit. La position du Conseil européen du mois de juin propose d’établir un seuil de 5000 salariés et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, ce qui ne représente plus qu’environ 1000 entreprises. Le Conseil propose également d’amoindrir les obligations de vigilance, les entreprises n’auraient plus qu’à établir un examen général d’exposition aux risques. Pour les eurodéputés de gauche et du centre, cette position s’apparente cependant plus à de la déréglementation qu’à de la simplification. D’autant que la polémique entre simplification et risque de déréglementation est reprise par des acteurs de poids. Le 15 août, Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), a rédigé une lettre à destination des parlementaires dénonçant les seuils trop élevés proposés pour la CSRD et la CS3D, qui excluent de nombreuses entreprises du reporting de durabilité. Ces nouveaux seuils “limiteraient la disponibilité de données des entreprises, affaiblissant ainsi la capacité de l’Eurosystème à réaliser une évaluation granulaire des risques financiers liés au climat dans son bilan“, écrit-elle.
La prochaine étape pour la CS3D, comme pour la CSRD, se déroulera cet automne. Les députés européens doivent parvenir à un compromis et voter leur position commune à la fin du mois d’octobre. Un calendrier très serré qui sera sans doute difficile à tenir selon les observateurs étant donné les avis très différents entre les différents groupes politiques. De cette position votée par le Parlement dépend la suite du processus. Une fois les trois positions connues, celles de la Commission du 26 février, celle du Conseil du 23 juin, puis celle du Parlement en octobre, les trois instances européennes devront atteindre un compromis à l’occasion d’un trilogue. Là encore, le calendrier est serré. L’objectif est de publier la directive courant 2026 au Journal officiel de l’Union européenne.