Les émissions de méthane battent des niveaux records. Le deuxième gaz à effet de serre le plus important après le dioxyde de carbone (CO2), a augmenté plus rapidement que tout autre gaz à effet de serre ces dernières années, suivant la trajectoire la plus extrême utilisée dans les scénarios d’émission par les plus grands climatologues du monde. C’est ce que révèle la nouvelle publication du Global Budget Methane, une collaboration internationale qui mesure les sources et les puits de méthane dans le monde.
“La trajectoire actuelle conduit à un réchauffement climatique supérieur à 3°C d’ici la fin de ce siècle”, estiment les chercheurs. “À l’heure actuelle, les objectifs du Global Methane Pledge semblent aussi lointains qu’une oasis dans le désert, a déclaré Rob Jackson, professeur en sciences du système terrestre à l’université de Stanford et président du Global Carbon Project, le groupe à l’origine de la recherche. Nous espérons tous qu’ils ne sont pas un mirage.”
Vers un réchauffement de 3°C
Le méthane, dont le pouvoir réchauffant est 80 fois plus important que celui du CO2, a déjà contribué à un réchauffement de 0,5°C dans les années 2010 par rapport à la fin des années 1800, contre 0,8°C pour le CO2. Et s’il fait l’objet d’une attention croissante des Etats et des industriels, ses émissions ont augmenté de 20% au cours des vingt dernières années et ne montrent aucun déclin, selon les nouvelles estimations. Deux tiers de ces émissions proviennent des activités humaines. Sur ce total, 40% proviennent de l’agriculture – dont 30% de l’élevage –, 34% des combustibles fossiles, 19% des déchets et le reste de la biomasse et de la combustion de biocarburants.
Le tiers restant provient des sources naturelles et en particulier des zones humides comme les tourbières ou les marais salants. Une étude publiée dans Nature climate en mars 2023, révélait déjà que les émissions de méthane issues des zones humides avaient augmenté très rapidement, dépassant les prévisions des scénarios de réchauffement très élevé en raison du changement climatique. Plus la température augmente, plus les émissions de méthane augmentent, et plus la température augmente… Un véritable cercle vicieux.
Les scientifiques du Global Budget Methane estiment ainsi qu’environ un tiers des émissions de méthane des zones humides et des eaux douces au cours des dernières années ont été influencées par “des facteurs d’origine humaine, notamment les réservoirs et les émissions augmentées par le ruissellement des engrais, les eaux usées, l’utilisation des terres et la hausse des températures”. Ainsi par exemple, les réservoirs construits par l’homme ont entraîné l’émission d’environ 30 millions de tonnes de méthane par an, car la matière organique nouvellement submergée libère du méthane en se décomposant.
Point de bascule
Les engagements pour s’attaquer au méthane sont pourtant nombreux. En 2021, 150 pays ont signé le Global Methane Pledge qui vise à réduire de 30% ses émissions d’ici à 2030 par rapport à 2020. Un objectif qui devrait être atteint si les mesures prises dans le cadre des contributions nationales déterminées (NDC) sont appliquées selon une étude publiée en 2023.
Les industriels du secteur pétrogazier, de plus en plus pointés du doigt, se sont aussi pour certains d’entre eux engagés sur le sujet alors que les données satellites permettent de cibler précisément les fuites massives de méthane sur les exploitations fossiles. Récemment, la Chine et les Etats-Unis, ont promis d’organiser un sommet sur les gaz à effet de serre hors CO2, dont le méthane, le protoxyde d’azote, les hydrofluorocarbones, lors de la COP29 qui se tiendra à Bakou, en Azerbaïdjan, en novembre prochain.
Le méthane est un gaz à effet de serre à courte durée de vie, ce qui fait de lui un puissant levier pour s’attaquer au changement climatique à court terme. Mais encore faut-il agir avant que le point de bascule ne soit atteint. “On craint beaucoup que l’augmentation des émissions tropicales ne soit un point de bascule pour le méthane. Si les émissions tropicales commencent à augmenter dans les zones humides naturelles, nous n’avons aucun moyen de les atténuer”, s’est inquiété le professeur Rob Jackson, cité par Carbon Brief.