Les grandes entreprises cotées “manquent de plans de transition climatique crédibles, alors que l’intensité des émissions est sur le point de dépasser les limites climatiques”. C’est l’alerte lancée par le centre de recherche de la London School of Economics, Transition Pathway Initiative (TPI), qui vient de publier un rapport analysant les trajectoires climatiques des grandes entreprises cotées internationales. Sur 2 000 entreprises cotées représentant près de 75 000 milliards de dollars de capitalisation boursière, moins de 10% sont dotées d’un plan de transition crédible, à la fois sur les mesures mises en place et les fonds alloués pour financer la transition, estiment les chercheurs.
“Les entreprises progressent” estime Ali Amin, chargé de recherche au TPI, “mais la grande majorité d’entre elles restent en deçà des objectifs de température de l’Accord de Paris”. Selon le chercheur, les entreprises doivent désormais “accélérer la réduction de leurs émissions et renforcer leur planification de la transition”, notamment en alignant leurs politiques de financement sur leurs objectifs climatiques.
Important retard sur les investissements nécessaires à la neutralité carbone
C’est en effet sur le volet financier que les grandes multinationales sont le plus en retard. Si la majorité des acteurs privés de grande envergure affichent désormais des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, et communiquent sur leurs engagements climatiques, seules 0,5 % s’étaient engagées à aligner leurs dépenses d’investissement sur leurs objectifs de décarbonation. A peine 2 % des multinationales étudiées ont pris des engagements concrets consistant à éliminer progressivement les dépenses et les investissements consacrés aux actifs ou produits à forte intensité de carbone, comme les énergies fossiles. Un retard alarmant, alors que ces engagements financiers seraient essentiels “compte tenu de la nécessité pour les entreprises d’investir dans de nouvelles technologies et de nouveaux modes de production pour atteindre la neutralité carbone”, expliquent les auteurs.
En outre, le rapport montre que les grandes entreprises restent floues sur les manières dont elles comptent atteindre leurs objectifs climatiques. A peine 40% des entreprises rendent publiques les actions qu’elles comptent mettre en œuvre pour atteindre leurs objectifs de décarbonation, et moins de 10% clarifient précisément la manière dont les mesures de compensation carbone s’articulent avec de véritables mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le rapport pointe d’ailleurs un risque généralisé “d’usage de techniques de compensation carbone de faible qualité, qui pourraient ne pas permettre de réduire les émissions de manière réelle ou permanente.” “Beaucoup d’entreprises s’appuient sur des technologies non éprouvées”, à l’image des compagnies aériennes qui basent leurs projets de décarbonation sur des “fuels bas carbone” à l’efficacité encore incertaine, estiment également les auteurs,
Vers un dépassement du budget carbone des multinationales
Globalement, le TPI estime que les trajectoires climatiques des entreprises sont “rarement soutenues par une planification et une mise en œuvre de transition crédibles”. Conséquence, si les grandes entreprises ne réhaussent pas rapidement leurs efforts climatiques, elles risquent d’aggraver considérablement la crise climatique globale. Collectivement, les grandes entreprises sont en passe de “dépasser leur budget d’intensité d’émissions pour viser l’objectif de 1,5 °C de 61 % et leur budget pour 2 °C de 13 %” d’ici 2050.
A quelques semaines de la COP30, qui, 10 ans après l’Accord de Paris, devait marquer une nouvelle étape dans l’accélération de la lutte contre la crise climatique, le retard des grandes entreprises, principales contributrices aux émissions globales, est particulièrement inquiétant.