Publié le 6 octobre 2025

L’instabilité politique atteint un nouveau sommet avec le départ de Sébastien Lecornu. Dans ce contexte de crise, les milieux économique et financier montrent des signes d’inquiétude qui pourraient freiner encore un peu plus les investissements dans la transition écologique, déjà fragilisée.

La démission soudaine de Sébastien Lecornu de son poste de Premier ministre, ce lundi 6 octobre, à peine 24h après l’annonce (déjà tardive) de la composition de son gouvernement, a déclenché une onde de choc bien au-delà des sphères politiques. Les milieux économiques et financiers eux aussi s’enlisent. Dès l’ouverture de la Bourse de Paris, les indicateurs ont viré au rouge. Les valeurs bancaires ont dégringolé : Société Générale (-5,91 %), BNP Paribas (-4,35 %) et Crédit Agricole (-4,35 %). “La chute des banques est “100% attribuable à cette décision politique”, a indiqué à l’AFP Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marché chez IG France.

Dans les entreprises, c’est l’inquiétude qui monte. Le Medef a annulé son grand rassemblement patronal prévu le 13 octobre, soulignant dans un communiqué un “moment d’extrême tension” et un “risque de chaos institutionnel”. Avant ce nouveau rebondissement, les ETI, PME et TPE tablaient déjà sur des investissements au ralenti, selon un baromètre Banque Palatine-METI publié le 1er octobre. 76% des PME et TEP envisageaient de geler leurs projets d’investissements et seul un tiers des ETI prévoyait une hausse de chiffre d’affaires en 2025. Une tendance qui va encore s’accentuer, reflet d’une crise de confiance structurelle, nourrie par l’instabilité politique chronique : quatre Premiers ministres en un an, une dissolution, et un budget 2025 toujours bloqué.

“La transition écologique nécessite une visibilité à long terme”

Mais cette crise dépasse les enjeux économiques. Elle menace aussi la transition écologique, déjà entravée depuis plusieurs années par des changements de cap répétés. Marine Braud, experte des politiques environnementales, déplore : “Il y a déjà eu beaucoup d’instabilité. Un gouvernement qui détricote les mesures de l’autre, c’est délétère pour la transition. Mais là, on atteint un sommet. Pas de budget, pas de cap, pas de gouvernement stable… La transition écologique nécessite au contraire une visibilité de long terme, c’est l’État qui doit donner la direction.”

Pour elle, les entreprises ne refusent pas de s’engager dans la transition, mais elles manquent cruellement de cap pour le faire sereinement. Exemple : le changement des règles de MaPrimeRénov’ début octobre, qui a réduit le taux de prise en charge de 50% à 45% sur certains travaux. Une variation minime sur le papier, mais qui peut suffire à faire échouer un projet et ainsi fragiliser une filière de la rénovation qui peine à se structurer. “Une entreprise doit pouvoir planifier à 5 ou 10 ans. Elle peut anticiper des contraintes, mais pas des règles qui changent du jour au lendemain”, ajoute-t-elle.

Les entreprises à impact, “meilleures gardienne d’un climat social apaisé”

Le secteur des énergies renouvelables mais aussi du nucléaire, est particulièrement vulnérable alors que la feuille de route énergétique de la France n’a toujours pas été publiée, accusant un retard de deux ans. La publication du décret de la PPE3, espérée avant le vote de confiance du 8 septembre, est désormais officiellement renvoyée aux Calendes grecques. Ce texte est pourtant indispensable pour lancer des appels d’offres, sécuriser des investissements, prévoir les infrastructures, et anticiper les besoins de formation et d’emploi.

Au-delà des effets conjoncturels sur les marchés, la démission de Sébastien Lecornu illustre un mal bien plus profond : l’incapacité du politique à garantir un cap durable. Or “l’économie a besoin de visibilité et de continuité”, renchérit Caroline Neyron, directrice générale d’Impact France. Partout en France les chefs d’entreprise attendent des orientations claires pour pouvoir investir, recruter et innover sereinement”. Sans institutions solides, sans budget voté, sans visibilité réglementaire, ni les citoyens ni les entreprises ne peuvent tracer leur chemin vers un avenir sobre, juste et résilient. “Et si ce n’étaient plus nos institutions politiques, mais nos entreprises engagées et nos mouvements citoyens qui portaient la meilleure chance d’éviter le chaos ?”, s’interroge sur LinkedIn Thomas Breuzard, co-président de B Corp France. “Plus on recule, plus je me dis que nos entreprises à impact vont devenir les meilleures gardiennes d’un climat social apaisé.”

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