Définition d’un point de bascule
Un point de bascule (ou tipping point en anglais) désigne un seuil critique au-delà duquel un système écologique, climatique ou social subit des changements soudains, irréversibles ou difficilement contrôlables. Ce concept est central dans l’étude des dynamiques du changement climatique et de lacrise des écosystèmes et de la biodiversité. Pour les points de bascule climatique, on parle plus spécifiquement de “climate tipping points” ou “points de bascule climatiques”.
Les points de bascule sont particulièrement préoccupants car une fois franchis, ils entraînent des rétroactions positives qui amplifient les effets du dérèglement climatique ou de la dégradation écologique. Ils peuvent également interagir entre eux, augmentant ainsi les risques systémiques à l’échelle globale. Par exemple, sous l’effet du réchauffement climatique, les zones de permafrost situées dans l’hémisphère nord pourraient fondre, libérant de grandes quantités de méthane qui étaient jusqu’alors emprisonnées dans la glace. Ce méthane contribuerait alors à accélérer le réchauffement climatique, et à accélérer la fonte du permafrost, etc.
Les principaux points de bascule identifiés
La littérature scientifique sur la notion de point de bascule progresse ces dernières années. Les chercheurs ont donc identifié de manière de plus en plus claire une liste de phénomènes écologiques ou d’écosystèmes menacés d’une transformation massive, sous l’effet du réchauffement climatique ou de la crise écologique et de la dégradation des écosystèmes. Parmi ces points de bascule écologiques, on peut citer :
Fonte de la calotte glaciaire du Groenland
La calotte glaciaire du Groenland contient suffisamment de glace pour élever le niveau des mers de 6 à 7 mètres si elle fondait complètement. Le réchauffement global pourrait entraîner une fonte irréversible au-delà d’un certain seuil de température, contribuant à l’élévation du niveau des mers.
Déstabilisation de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental
Cette région est particulièrement vulnérable en raison de la fonte des glaciers en contact avec l’océan. La perte de masse de glace pourrait entraîner une hausse du niveau des mers de plusieurs mètres, avec des effets irréversibles si certaines barrières de glace venaient à céder.
Déforestation de l’Amazonie
La déforestation croissante pourrait transformer cette forêt en une savane, avec des impacts désastreux sur la biodiversité et le climat global.
Disparition des forêts boréales
Le réchauffement climatique menace ces forêts, essentielles pour le stockage du carbone. Leur disparition pourrait amplifier le réchauffement global.
Dégradation du permafrost
La fonte du permafrost libérerait du méthane, un puissant gaz à effet de serre, accélérant le réchauffement climatique.
Arrêt du gyre subpolaire de l’Atlantique Nord
Ce courant océanique régule le climat de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Son ralentissement ou arrêt pourrait perturber les climats régionaux.
Disparition des herbiers marins
Les herbiers marins jouent un rôle crucial dans le stockage du carbone et la protection des littoraux. Leur disparition mettrait en péril les écosystèmes marins.
Disparition des mangroves
Les mangroves protègent les côtes de l’érosion et abritent une biodiversité unique. Leur destruction augmenterait la vulnérabilité des littoraux face aux tempêtes.
Disparition des tourbières
Les tourbières stockent d’importantes quantités de carbone. Leur assèchement libérerait ce carbone, contribuant au réchauffement climatique.
Mortalité des récifs coralliens
Les récifs coralliens sont extrêmement sensibles à la hausse des températures et à l’acidification des océans. La perte des récifs aurait des conséquences dramatiques pour les écosystèmes marins et les millions de personnes dépendantes des ressources marines.
Risques systémiques lié au concept de point de bascule
Le franchissement de ces points de bascule pourrait déclencher des effets en cascade affectant les écosystèmes et les sociétés humaines à travers le monde. Ainsi, les points de bascule constituent une menace importante pour la stabilité des écosystèmes mondiaux, et pourrait contribuer à un risque de crise sociale, économique et financière accrue. Certains estiment même que le franchissement des points de bascule pourrait contribuer à l’effondrement de certaines sociétés mondiales ou de certains secteurs d’activités.
Effets écosystémiques en cascade et rétroactions positives
Le dépassement d’un point de bascule peut en entraîner d’autres, créant des effets en chaîne. Par exemple, la fonte du permafrost libère du méthane, accentuant le réchauffement climatique, ce qui accélère la fonte des calottes glaciaires, ce qui diminue l’albédo mondial et accélère encore la crise climatique. De la même manière, la dégradation de certains écosystèmes sous l’effet du réchauffement climatique contribue à diminuer les puits de carbone mondiaux et renforcer de façon conjuguée les crises écologiques.
Les écosystèmes comme les mangroves, les tourbières et les récifs coralliens jouent ainsi des rôles clés :
- Régulation du climat (stockage du carbone).
- Protection des littoraux contre les tempêtes.
- Fourniture de ressources (pêche, agriculture).
Leur disparition compromet ces services écosystémiques essentiels, rendant les sociétés plus vulnérables aux catastrophes naturelles.
Point de bascule et changement brutaux des régimes climatiques
Des points de bascule comme l’arrêt des courants océaniques peuvent entraîner des modifications majeures du climat régional, affectant les cycles des moussons et des pluies, les périodes de sécheresse ou les structures des saisons. Ces changements peuvent profondément modifier la disponibilité des ressources en eau, mais aussi empêcher le développement de la biodiversité locale et donc poser des problèmes d’adaptation à la crise écologique.
Migrations forcées, crises économiques et sociales et conflits
La modification des écosystèmes à cause du franchissement des points de bascule peut aussi contribuer à des pertes de sécurité alimentaire, liées aux sécheresses, aux inondations, aux changements dans les cycles de l’eau. La raréfaction des ressources alimentaires mais aussi boisières, territoriales ou minières à cause des effets en cascade des points de bascule peuvent alors occasioner des migrations forcées, des conflits sociaux, des crises économiques et financières, comme l’a notamment montré le GIEC à propos de la crise climatique.
Plusieurs études ont ainsi montré que le franchissement des points de bascule écologiques contribuait à une hausse massive des coûts économiques associés à la crise écologique. Les prévisions économiques estiment qu’en cas d’effets en cascade, l’économie mondiale pourrait perdre des centaines de milliards d’euros.
Les dommages causés aux infrastructures, aux cultures et aux écosystèmes peuvent générer des coûts colossaux. Les assurances et les marchés financiers deviennent vulnérables face à des risques imprévisibles.