Publié le 27 mai 2025

Miné par l’incertitude réglementaire et la loi omnibus, le marché de l’emploi dans les métiers de la RSE et de la transition écologique est en plein ralentissement. De plus en plus de professionnels ne parviennent plus à s’insérer sur le marché du travail, et les jeunes sont en première ligne.

Les métiers de la transition écologique et de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) sont-ils encore des métiers d’avenir ? Depuis quelques mois, le contexte très favorable de ces dernières années, marqué par des recrutements massifs dans ces secteurs, semble en tout cas s’être retourné. Recrutements en baisse, difficultés pour les jeunes à s’insérer durablement sur le marché du travail, concurrence accrue entre les travailleurs… Ces derniers mois, de plus en plus de professionnels témoignent des difficultés croissantes du marché de l’emploi dans les métiers du développement durable.

Pour Caroline Renoux, dirigeante du cabinet de recrutement spécialisé Birdeo,“ces métiers se sont pris beaucoup de choses dans la figure depuis un an”. Il y a eu d’abord la dissolution puis le ralentissement économique global, qui ont créé beaucoup d’incertitudes et ont freiné les recrutements, notamment sur les postes de cadres. “La RSE, c’est souvent le premier poste que les entreprises coupent en cas de difficultés”, explique-t-elle. Mais ce sont aussi les revirements législatifs et réglementaires des derniers mois en Europe qui plombent le secteur. “Soyons clairs, le backlash a créé un contexte plus difficile pour tout le monde”, lance la spécialiste.

“Les perspectives ne sont pas réjouissantes” pour la RSE

La remise en cause de la CSRD, la directive sur le reporting de durabilité, a notamment mis un coup d’arrêt à la dynamique des recrutements qui s’était accélérée ces dernières années dans les métiers du reporting extra-financier. Les entreprises, qui avaient prévu de créer des postes pour accompagner la montée en puissance du cadre réglementaire européen sur la durabilité, ont soudain tout mis en pause, faute de savoir ce que donnerait la future “loi omnibus” visant à simplifier les cadres réglementaires européens. De nombreux cabinets de conseil ont aussi arrêté leurs recrutements, voire ont mis en place des licenciements face aux perspectives dégradées du marché de la transformation durable. Depuis quelques mois, les plans de réduction des effectifs, les fermetures et les placements en redressement judiciaire se sont même enchaînés dans le secteur, y compris chez les pionniers du secteur comme Moody’s, qui a supprimé plusieurs dizaines de postes ces derniers mois dans ses équipes ESG.

Pour Caroline Renoux, le constat est clair : “les sociétés du SBF120 et du CAC40 ont plutôt maintenu leur dynamique, mais pour les ETI [entreprises de taille intermédiaire, ndlr] et les plus petites entreprises c’est beaucoup plus compliqué”. Même parmi les travailleurs indépendants et freelance, “il y a plus de concurrence et moins de missions”, concède-t-elle. Plusieurs consultants et consultantes ont ainsi confié à Novethic leurs difficultés pour trouver ou retrouver un emploi en ce moment. “On se retrouve tous lâchés au même moment sur le marché du travail alors que personne n’ouvre de poste, les perspectives ne sont pas très réjouissantes”, confie l’une d’elles, licenciée en début d’année suite à des difficultés économiques. Une autre explique même, lasse, songer à un changement de carrière : “j’en viens à me demander si cela vaut la peine de s’épuiser et se mobiliser, face à tous les retours en arrière…”

Les jeunes en première ligne

Pour les jeunes professionnels notamment, à qui l’on a vanté ces métiers comme des filières d’avenir, la désillusion est grande. Nombreux sont ceux qui se sont lancés dans les métiers de la RSE et qui aujourd’hui peinent à s’insérer durablement sur le marché du travail, à l’image de Pierrick, diplômé en Management & Développement Durable. Sur LinkedIn, il décrit les centaines de CV envoyés, “la plupart sans réponse”, les dizaines d’entretiens, l’obligation de choisir un métier alimentaire faute d’un poste dans son domaine. Interrogée par Novethic, Frédérique Chopin, responsable d’un Master 2 en Gestion des RH (ressources humaines) parcours RSE à l’université d’Aix-Marseille, entrevoit quant-à-elle déjà ces difficultés pour les étudiants. “Ceux qui sont spécialisés en RSE sont assez touchés, car l’offre se tarit pour les postes “pur RSE”. On continue à avoir des offres, mais plutôt en alternance”, explique-t-elle. Si les étudiants issus de son master continuent de trouver assez facilement des débouchés, c’est “le plus souvent sur des postes à dominante RH, où la RSE vient en complément, en élément différenciant”.

Beaucoup de recrutements dans le milieu de la RSE ont en effet été portés par les dispositifs de soutien à l’alternance ces dernières années, sans que cela aboutisse toujours à la création de postes pérennes. Avec la dynamique qui s’essouffle, le contexte est désormais difficile à vivre pour les jeunes, qui voient d’un œil critique le backlash en cours sur l’écologie. “On constate que nos étudiants sont agacés et voient ça comme un recul : ils ont l’impression que l’on est en train de piétiner des années d’avancées, sur des sujet sur lesquels ils se sont engagés à la fois professionnellement et personnellement”, explique Frédérique Chopin. Sur le plan pédagogique, l’incertitude réglementaire rend aussi l’équation difficile : “on forme nos étudiants de manière très opérationnelle, et aujourd’hui on manque clairement de visibilité”, explique-t-elle.

L’avenir est-il donc durablement compromis pour les professionnels de la transition écologique ? Non, répond Caroline Renoux. “Cela fait 15 ans que je suis dans ce secteur et on est habitués à avoir des hauts et des bas, à devoir essayer de s’imposer. Mais, il ne faut pas se leurrer, le changement climatique et la crise sociale et environnementale ne vont pas s’arrêter, les entreprises le ressentent et elles vont devoir s’adapter, ce serait une erreur stratégique de tout arrêter”, analyse la dirigeante. En attendant, les professionnels du secteur font le dos rond, et tous espèrent que les vents contraires ne souffleront pas trop longtemps sur la transformation durable.

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