La saga omnibus continue. Le projet de législation, ouvert en février par la Commission européenne, visait en théorie à "simplifier" les règles de durabilité pour les entreprises issues du Green Deal, et notamment la CSRD, la directive sur le reporting de durabilité, et la CS3D, directive sur le devoir de vigilance. Après plus de 8 mois de discussions, la simplification commence pourtant sérieusement à ressembler à une dérégulation.
C'est en tout cas l'option qui semble se dessiner à l'issue des débats qui se tenaient sur le sujet au Parlement européen ces dernières semaines. Après la Commission en février et le Conseil européen en juin, les parlementaires réunis au sein de la commission des affaires juridiques (Juri) a voté sa position sur la simplification ce 13 octobre. Un compromis trouvé dans la douleur, qui confirme que c'est bien le cap de la dérégulation qui a été retenu.
La tentation d'une alliance droite - extrême-droite contre le Green Deal
Sous la pression de la droite conservatrice du PPE (Parti populaire européen), la commission Juri a en effet validé une série de propositions visant à entériner l'affaiblissement de la CSRD et de la CS3D. Parmi les propositions sur la table, le rehaussement des seuils d'applicabilité, à 1 000 salariés et 450 millions d'euros de chiffre d'affaires pour la CSRD, et 5000 salariés et 1,5 milliard de chiffre d'affaires pour la CS3D. Le projet d'accord prévoit également la suppression de l'obligation pour les grandes entreprises de mettre en œuvre un plan de transition climatique et la suppression du régime de responsabilité civile au niveau européen, qui devait permettre aux victimes d'abus de droits humains et environnementaux de demander réparation en justice aux entreprises fautives.
Ces propositions iraient donc plus loin en matière de dérégulation que celles présentées par la Commission en février dernier. Au total, 90% des entreprises initialement concernées par la CSRD seraient désormais exemptées, et 70% de celles soumises aux obligations de vigilance sociale et environnementale. Un recul largement dénoncé à gauche, à l'image de l'eurodéputé écologiste française Marie Toussaint, qui dénonçait hier "un virage assumé vers la dérégulation, au détriment des droits sociaux, de l'environnement et de l'économie européenne".
Le spectre d'une alliance PPE - extrême droite
Ces dernières semaines, les groupes parlementaires, divisés, n'étaient pas parvenus à un accord sur l'omnibus en commission. La gauche, les écologistes et le centre-droit, qui soutiennent une réglementation plus ambitieuse pour les entreprises en matière de reporting ou de vigilance sociale et environnementale, espéraient pouvoir trouver un accord avec le PPE pour maintenir une majorité républicaine favorable à la durabilité au Parlement européen. Sans succès : pour pousser une dérégulation plus importante, le PPE a fait planer la menace d'une alliance avec l'extrême-droite, qui aurait mené à des reculs encore plus importants.
Face à ces manœuvres politiques et à l'ampleur des reculs proposés, la socio-démocrate Lara Wolters, négociatrice de l'omnibus pour son groupe parlementaire et rapporteuse de la loi sur le devoir de vigilance, a démissionné de son poste. Beaucoup parmi les spécialistes de la durabilité fustigent également l'attitude des conservateurs, qui privilégient "l'opportunisme politique à court terme au détriment de la responsabilité à long terme" pour Andreas Rasche, professeur spécialisé et doyen adjoint à la Copenhagen Business School. Ce compromis servira de base aux débats au Parlement qui se concluront par un vote entre le 20 et le 23 octobre, avant un trilogue avec la Commission et le Conseil, où se jouera l'avenir du Green Deal.
Mise à jour le 13/10, suite à la confirmation du vote en Commission Juri.




