Publié le 8 octobre 2025

En commission des affaires juridiques du Parlement européen, droite et extrême-droite européennes semblent en voie de s’allier pour affaiblir encore le Green Deal, et notamment la CSRD et le devoir de vigilance.

La saga omnibus continue. Le projet de législation, ouvert en février par la Commission européenne, visait en théorie à “simplifier” les règles de durabilité pour les entreprises issues du Green Deal, et notamment la CSRD, la directive sur le reporting de durabilité, et la CS3D, directive sur le devoir de vigilance. Après plus de 8 mois de discussions, la simplification commence pourtant sérieusement à ressembler à une dérégulation.

C’est en tout cas l’option qui semble se dessiner à l’issue des débats qui se tenaient sur le sujet au Parlement européen ces dernières semaines. Après la Commission en février et le Conseil européen en juin, les parlementaires réunis au sein de la commission des affaires juridiques devaient à leur tour se mettre d’accord pour trouver une position commune sur la simplification. Et selon un document de travail de cette commission diffusé ce 8 octobre, c’est bien le cap de la dérégulation qui semble avoir été retenu.

La tentation d’une alliance droite – extrême-droite contre le Green Deal

La droite conservatrice du PPE (Parti populaire européen) s’apprêterait en effet à s’allier avec l’extrême-droite pour faire passer une liste de propositions visant à affaiblir encore la CSRD et la CS3D. Parmi les propositions sur la table, le rehaussement des seuils d’applicabilité, à 1 750 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires pour la CSRD, et 5000 salariés et 1,5 milliard de chiffre d’affaires pour la CS3D. Le projet d’accord prévoit également la suppression de l’obligation pour les grandes entreprises de se doter d’un plan de transition climatique et la suppression du régime de responsabilité civile au niveau européen, qui devait permettre aux victimes d’abus de droits humains et environnementaux de demander réparation en justice aux entreprises fautives.

Ces propositions iraient donc plus loin en matière de dérégulation que celles présentées par la Commission en février dernier, et même encore plus loin que celles validées par le Conseil européen en juin. Au total, 92% des entreprises initialement concernées par la CSRD seraient désormais exemptées, et 70% de celles soumises aux obligations de vigilance sociale et environnementale. Si cette position était confirmée, cela constituerait “un virage assumé vers la dérégulation, au détriment des droits sociaux, de l’environnement et de l’économie européenne” a commenté l’eurodéputé écologiste française Marie Toussaint.

Un renversement de la majorité parlementaire européenne sur la durabilité

Ces dernières semaines, les groupes parlementaires, divisés, n’étaient pas parvenus à un accord sur l’omnibus en commission. La gauche et le centre-droit, qui soutiennent une réglementation plus ambitieuse pour les entreprises en matière de reporting ou de vigilance sociale et environnementale, espéraient pouvoir trouver un accord avec le PPE pour maintenir une majorité républicaine favorable à la durabilité au Parlement européen. Sans succès. Au point que c’est désormais autour de l’omnibus que pourrait se constituer le début d’un renversement historique de la majorité parlementaire européenne.

“En se rangeant du côté des groupes d’extrême droite, le PPE choisirait la solution de facilité […]. Cela impliquerait de privilégier l’opportunisme politique à court terme au détriment de la responsabilité à long terme” a de son côté commenté Andreas Rasche, professeur spécialisé et doyen adjoint à la Copenhagen Business School. Une fois le compromis validé par la Commission des affaires juridiques (avant le 13 octobre), il servira de base aux débats au Parlement qui se concluront par un vote entre le 20 et le 23 octobre, avant un trilogue avec la Commission et le Conseil, où se jouera l’avenir du Green Deal.

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