Publié le 10 juin 2024

Le Président de la République a lancé un coup de tonnerre dimanche soir en prenant le risque de voir l’hégémonie du Rassemblement National aux élections européennes se reproduire dans des élections nationales organisées trois semaines plus tard. Le débat des plateaux télévisés hier soir disait l’immense décalage entre un jeu politique où chacun tentait d’improviser des négociations sans tenter de comprendre ce que les Français ont voulu dire dans les urnes.

Quel sens les Français donnent-ils à leur appui massif à l’extrême droite ? Le pari du président de la République est de leur demander à travers une nouvelle élection, législative cette fois. Elles sont organisées dans l’urgence trois semaines plus tard ce qui cour-circuite toute possibilité de campagne sur le fond. Dans les soirées électorales, l’improvisation des représentants des partis politiques qui tentaient des premières négociations pressées par les journalistes curieux de savoir qui voudra s’allier avec qui, semblait en décalage total avec les préoccupations des Français.

La livraison de mai du sondage de l’IFOP sur leur état d’esprit permet de mieux identifier leurs priorités. Leurs trois premières sont de loin la santé, le pouvoir d’achat et l’éducation. La lutte contre la précarité et la protection de l’environnement ne sont pas loin derrière. La lutte contre l’immigration clandestine, thème quasi exclusif de l’extrême droite, arrive en douzième position !

Un débat vidé de sa substance

Le résultat de ces élections européennes est le produit d’un débat politique qui s’est vidé de sa substance, scrutin après scrutin, alors que montaient des préoccupations de plus en plus fortes des Français sur leur propre destin. Les gilets jaunes d’abord ont cristallisé les rêves brisés des Français dits moyens. Ils ont ensuite massivement défilé dans les rues contre une réforme des retraites imposée aux forceps qui a laissé des fractures durables.

L’accélération politique autour de petites phrases devenues des punchlines et la montée des chaînes d’opinion sur la TNT, accessible, gratuitement, ont permis de distiller les messages de soutien au Rassemblement National quotidiennement avec une intensité progressive et sans véritable contradiction. Le processus est connu. Aux Etats-Unis il a amené Donald Trump et lui permet d’envisager son retour, au Brésil il a amené Bolsonaro, en Argentine Javier Milei, aux Pays Bas Geer Wilders et en France Jordan Bardella.

L’héritage du 49.3

La campagne législative de trois semaines sera donc le paroxysme d’une stratégie politique qui n’a même plus le temps d’élaborer un programme et laisse l’Europe, supposée être l’enjeu crucial, orpheline de ses négociateurs français. Aux élections municipales de 2020 les Français avaient exprimé de fortes attentes de renouvellement de la politique.

Les quatre ans qui viennent de s’écouler où les décisions les plus lourdes de conséquences pour eux ont été prises par 49-3 sans véritable débat, n’ont pas répondu à cette attente. A quelques jours des Jeux Olympiques, symbole de l’alliance des pays du monde entier autour des valeurs du sport, la France est au pied du mur. Si le RN sort vainqueur des législatives, elle aura un Premier Ministre d’extrême droite. Quelques jours après la célébration en grande pompe des 80 ans du débarquement pour célébrer la victoire sur le nazisme et le fascisme, le reste du monde va définitivement conclure que les Français sont une population bien étrange.

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