Publié le 15 avril 2023
POLITIQUE
La constitutionalité de la réforme des retraites monopolise les débats au détriment du reste : climat, sécheresse, crise sociale …
En état de siège depuis plusieurs jours, le Conseil constitutionnel a rendu son avis validant l’essentiel de la réforme des retraites vendredi 14 avril. Trois mois de contestations et de manifestations ont polarisé l’attention sur l’âge légal de départ à la retraite, occultant le message de la convergence des combats climatiques et sociaux, dont la scientifique Valérie Masson-Delmotte est venue rappeler l’acuité au rassemblement de soutien au mouvement des Soulèvements de la terre organisé cette semaine.

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Jamais les bâtiments du Conseil constitutionnel, qui longent les jardins du Palais Royal à Paris, n’avaient connu une telle effervescence médiatique. Grilles protectrices et CSR en masse ont été déployés vendredi 14 avril pour défendre l’institution - le quartier étant bouclé depuis le matin - devant laquelle les manifestants avaient défilé la veille pour la 12ème journée de protestation contre la réforme des retraites. Les journalistes ont enchainé les directs et les spéculations sur la décision du Conseil constitutionnel qui a été annoncée à 18h comme prévu. Invalidant les ajouts sociaux au projet de réforme (index senior et CDI senior), les Sages ont rappelé la finalité budgétaire de la réforme qui justifie pour eux l’usage d’une loi rectificative du budget de la Sécurité Sociale.
Le grand malentendu se prolonge donc avec d’un côté les opposants au projet de réforme des retraites qui veulent un grand débat social et condamnent les conditions d’adoption de la loi jugées anti-démocratiques et, de l’autre, les défenseurs d’une réforme faite au nom du bénéfice qu’elle doit apporter au budget de la Sécurité Sociale. L’intersyndicale a appelé les Français à manifester massivement le 1er mai et espère conserver l’élan des manifestations massives des semaines précédentes contre un projet qu’Emmanuel Macron a transformé en loi applicable dès le 15 avril.
Pas de débat sur la prévention de l'âgisme et la dégradation des conditions de travail
La décision du Conseil constitutionnel ramène la loi sur les retraites à sa dimension financière exclusive, en la vidant de ses éléments sociaux comme l’index senior. Ce-dernier devait inciter les entreprises de plus de 1 000 salariés à communiquer sur la part des plus de 60 ans dans leurs effectifs. Si le rôle du Conseil constitutionnel est de se prononcer sur le droit, la loi telle qu’elle a été validée, laisse pourtant entière des questions aussi cruciales que la prévention de l’âgisme dans les entreprises.
Les manifestations sporadiques qui ont émaillé la soirée du 14 avril dans de nombreuses villes focalisent l’attention sur les affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants, prenant toute la place au détriment de débats de fond comme celui sur la dégradation des conditions de travail, que la sociologue Dominique Meda appelait de ses vœux dès janvier. De la même façon, les voix des écologistes qui se sont jointes systématiquement aux cortèges des manifestations contre les retraites ont bien du mal à se faire entendre. Ils tentent de montrer pourquoi les luttes sociales et environnementales convergent dans leur volonté de transformer la société.
L'urgence du changement climatique oubliée
Les fortes tensions qui ont suivi l’annonce du Conseil constitutionnel laissent présager d’un climat social délétère dans les semaines à venir qui contribue à faire oublier l’urgence de la lutte contre le changement climatique. Pour en souligner la gravité, Valérie Masson-Delmotte a pris la parole dans le rassemblement organisé mercredi 12 avril à Paris en soutien au mouvement des Soulèvements de la Terre.
Elle a, dans une courte allocution, souligné que le droit est un élément indispensable à revoir pour que "les projets financés par de l’argent public ne soient plus adoptés sans qu’ils n’aient été évalués à l’aune d’un climat qui change, sans qu’ils n’aient été évalués à l’aune des exacerbations des inégalités présentes et futures et de la fragilisation des écosystèmes, à l’aune du verrouillage des systèmes actuels qui évite les transformations".
Membre du Giec, la scientifique exerçait sa liberté d’expression pour soutenir les mouvements qui appellent à une transformation radicale. La réforme des retraites en l’état est un nouveau rendez-vous manqué, après les élections présidentielles et législatives de 2022, de demander aux Français quel modèle social et environnemental ils souhaitent.
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic