Publié le 24 octobre 2025

Avec des baisses de plus de 50% de ses subventions prévues dans le PLF 2026, le secteur risque l'implosion. Crèches, Ehpad, soins à domicile ou encore recycleries : des centaines de milliers d'emplois sont menacés.

L'austérité budgétaire risque de peser lourdement sur un secteur essentiel : l'économie sociale et solidaire (ESS). C'est en tout cas ce que laissent penser les premières orientations dévoilées par le gouvernement de Sébastien Lecornu, avant le débat budgétaire au Parlement. Plusieurs dispositifs visant à soutenir le secteur de l'ESS voient en effet leurs crédits diminuer drastiquement : le DLA (Dispositif local d'accompagnement), le financement des CRESS (Chambres régionales de l'économie sociale et solidaire), ou encore les montants alloués aux PTCE (Pôle territoriaux de coopération économique). Au total, les financements de l'économie sociale et solidaire par l'Etat ou les collectivités territoriales devraient baisser de près de 54% dans le budget 2026.

Un véritable "uppercut" pour Benoît Hamon, président d'ESS France, la chambre française de l'économie sociale et solidaire, qui voit dans ces coupes "un désengagement injustifiable de l’État vis-à-vis de l’économie sociale et solidaire". Depuis plusieurs mois, les acteurs de l'économie sociale et solidaire, qui regroupe notamment les entreprises sociales actives dans la gestion des crèches, des Ehpad, des établissements d'insertion, du recyclage ou encore de la santé, alertent sur les risques économiques que font peser les politiques d'austérité sur le secteur, l'Union des employeurs de l'économie sociale (UDES) évoquant il y a quelques semaines le risque de destruction de près de 400 000 emplois.

1 000 procédures de sauvegarde

Jérôme Saddier, président du Crédit Coopératif, banque coopérative qui accompagne les acteurs du secteur, confirme que les coupes budgétaires prévues dans le budget 2026 pourraient mettre en péril de nombreuses structure de l'ESS. "En tant que banque on s'inquiète beaucoup de la santé de nos clients, notamment parmi les acteurs associatifs et les entreprises des solidarités", confie-t-il à Novethic. "Ces acteurs n'ont pas de réserves de trésorerie pour faire face à un trou d'air, donc elles sont très en danger si l'on réduit les subventions qui permettent d'accompagner les porteurs de projet", explique-t-il.

Cette année, les représentants du secteur estiment que près de 500 liquidations pourraient avoir lieu, et près de 1 000 procédures de sauvegarde, à cause notamment des coupes budgétaires engagées sur le précédent budget. De nouvelles coupes dans le budget 2026 pourraient s'avérer fatales pour un secteur déjà exsangue. Pour Michel Pier Jezequel, président de la CRESS Bretagne, les moyens "pour l'accompagnement des entreprises dans les territoires sont devenus ridicules pour une économie qui pèse 14% de l'emploi et qui ne bénéficie déjà que de 7% des aides publiques".

"J'ai l'impression de vivre l'effondrement de mon secteur d'activité", s'alarme de son côté Catherine Mechkour-di Maria, secrétaire générale du Réseau national des ressourceries et recycleries, qui compte près de 300 structures dans le pays. "On craint vraiment la vague pour 2026", alerte Jérôme Saddier, qui prédit notamment une "hécatombe dans les nombreuses structures associatives qui gèrent l'aide et le soin à domicile, l'aide sociale à l'enfance, l'insertion, ou encore les Ehpad".

Les services d'intérêt général menacés

Outre la baisse des crédits, les acteurs du secteur craignent également que le soutien de l'Etat pour l'ESS, alors que le gouvernement de Sébastien Lecornu ne compte désormais plus de ministre dédié au sujet et que son discours de politique générale n'a pas mentionné le secteur. "Comment définir un cap clair, des choix cohérents et une ambition économique partagée si les entreprises de l’ESS ne sont pas pleinement associées à la décision publique ?" s'inquiéte également David Cluzeau, président de l’UDES. Alors que la stratégie nationale pour l'économie sociale et solidaire doit être finalisée et présentée avant la fin de l'année, le contexte paraît aujourd'hui plus défavorable que jamais.

En septembre, la Cour des comptes avait publié un rapport sur le sujet, pointant le manque de pilotage stratégique et de soutien des pouvoirs publics pour ce secteur, qui assure une grande variété de services d'intérêt général. D'après les Sages, près de 80% des subventions à l'ESS "sont des dépenses pour garantir des droits ou assurer des services dans le prolongement de l’action de l’État", notamment dans la cohésion des territoires, l'enseignement scolaire ou la solidarité, l'insertion, l'égalité des chances de l'emploi. Les acteurs du secteur espèrent désormais que le débat parlementaire sur le budget pourra permettre de revaloriser les crédits accordés à l'ESS. "On parle de quelques dizaines de millions d'euros, rappelle Jérôme Saddier. Une goutte d'eau dans le budget de l'Etat..." .

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes