138 millions d’enfants de moins de 17 ans sont toujours contraints de travailler dans le monde en 2025. Cela correspond à peu près à deux fois la population française. C’est ce que révèle un nouveau rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) et de l’Unicef, publié le 11 juin. Parmi eux, près de 80 millions ont moins de 11 ans, et 54 millions effectueraient même des travaux dangereux pour leur santé, leur sécurité ou leur développement.
Si des progrès ont été accomplis ces dernières années, notamment grâce à de meilleures régulations nationales et internationales visant à préserver les enfants du travail et leur permettre d’accéder à la scolarité, il faudra encore plusieurs décennies pour venir à bout du travail des enfants, selon l’OIT. Le monde s’était pourtant engagé à éliminer le travail des enfants d’ici 2025. Mais il persiste notamment dans les pays les plus pauvres, où la précarité, les conflits et l’instabilité sociale poussent les populations à faire travailler les plus jeunes.
Tous les secteurs concernés
C’est le cas notamment en Afrique subsaharienne, qui concentre les deux-tiers des enfants astreints au travail dans le monde (87 millions d’enfants) pour assurer la subsistance de leurs familles dans des contextes de pauvreté généralisée. L’Asie centrale et du Sud arrive en deuxième position, avec 17 millions d’enfants au travail.
C’est dans le secteur agricole que la majeure partie de ce travail (61%) s’effectue, les enfants contribuant notamment à l’exploitation de petites fermes familiales. Mais on trouve également des enfants contraints de travailler dans le secteur tertiaire, notamment le travail domestique chez des tiers, le petit commerce et autres services informels (27%). L’industrie est aussi concernée, notamment dans les métiers de la construction, de l’industrie manufacturière et l’exploitation minière.
Parmi les principales conséquences de ce travail des plus jeunes, on constate notamment un éloignement des structures scolaires, qui enferment les enfants dans la pauvreté, ainsi que des problèmes de santé et de développement, en particulier pour les enfants exposés à des travaux pénibles et dangereux. Ces dernières années, plusieurs industries ont même été accusées d’avoir contribué à la mort d’enfants travaillant dans leurs chaînes de valeur. C’est le cas dans les usines textile en Asie, mais aussi dans les industries de la tech, accusées d’exploiter des enfants dans les mines de cobalt africaines.
Bangladesh : plus de cinquante morts, dont des enfants, dans le gigantesque incendie d’une usine
Un besoin de régulations et de stabilité socio-économique
Pour faire face à ce fléau, l’Organisation internationale du travail pousse les Etats à soutenir le développement de l’accès à une scolarité gratuite pour les enfants à travers le monde. Elle recommande également d’“universaliser la protection sociale afin de compenser la vulnérabilité socio-économique qui sous-tend le travail des enfants”, et d’“élargir l’accès aux services de base, notamment à l’eau potable et à l’électricité, afin de réduire la nécessité pour les enfants d’effectuer des tâches pénibles”. “Les parents doivent eux-mêmes être soutenus et avoir accès à un travail décent afin de pouvoir se permettre d’envoyer leurs enfants à l’école et de ne pas les obliger à vendre sur les marchés ou à travailler dans les fermes familiales pour aider à subvenir aux besoins de leur famille”, explique ainsi le directeur général de l’OIT, Gilbert Houngbo.
Mais l’enjeu est aussi de mieux réguler les chaînes de valeur de l’économie mondiale, y compris dans les pays les plus avancés sur le plan économique. L’organisation recommande ainsi de “porter une attention particulière aux micro et petites entreprises informelles opérant aux niveaux inférieurs” des chaînes d’approvisionnement mondialisées. Or, plusieurs études menées ces dernières années, dont un rapport publié par le Forum pour l’investissement responsable, ont montré que les grandes entreprises européennes sont en retard sur la mise en œuvre de mesures visant à limiter le travail des enfants. La loi sur le devoir de vigilance européen, votée l’année dernière, devait permettre d’accélérer la prise en compte du sujet par les entreprises européennes. Sa remise en cause, dans le cadre de la loi omnibus, laisse déjà craindre que le sujet stagne, et que le travail des enfants continue de persister dans les chaînes de production mondiales.
Dans ce contexte, une coalition d’ONG a mené ce mardi 17 juin une action symbolique pour dénoncer la loi omnibus et notamment la position de la France. Fin mai, Emmanuel Macron avait appelé à supprimer le devoir de vigilance européen, alors même que le pays a fait figure de pionnier en se dotant de son propre devoir de vigilance dès 2017. Les organisations rappellent que “la dérégulation tue” et dénoncent “l’ambiguité” du gouvernement et son “refus d’écouter la société civile”.