Du changement climatique aux pénuries, du dépeuplement au retour de la famine, votre livre montre le chaos qui est sur le point d’advenir si nous ne faisons rien. Pourquoi avoir fait le choix du catastrophisme ?
Ce n’est pas un choix mais la réalité de ce que je vois. Je travaille sur les systèmes terrestres depuis une dizaine d’années, j’ai lu des milliers d’articles pluridisciplinaires sur le sujet, écrit des dizaines de livres frénétiquement. Quand on est immergé de cette façon-là, on voit le réel tel qu’on est train de l’altérer. Oui, c’est glauque, c’est dur, c’est morbide mais c’est la réalité. Ce qu’on voit, c’est un monde de déflagration sous l’effet des activités humaines. L’objectif n’est pas de faire peur ou de désespérer mais d’avoir bien les yeux en face des trous. Et c’est être malhonnête intellectuellement que de ne pas nommer ce qu’il adviendra. C’est tout simplement la fin de la vie humaine en société telle que nous la connaissons.
Pourquoi avoir choisi d’appeler votre livre “2049”, alors que la date emblématique pour le climat est 2050 ?
L’idée était de transmettre une image, une représentation de ce qui nous attend dans un avenir assez proche. On parle d’un peu plus de deux décennies. Au-delà de la date, 2049, qui est toujours écrite en italique pour signifier cette image, donne à voir la façon dont nos existences vont être profondément transformées. L’autre choix éditorial de cette synthèse scientifique est le périmètre : je me cantonne à ce qu’il va se passer en Europe. L’objectif était de parler à nos compatriotes qui pourraient se dire que nous sommes protégés, or ce n’est pas le cas. Je pars de la vie des gens pour expliquer ce qui va se passer pour eux.
Justement, pouvez-vous détailler à quoi vont ressembler nos conditions d’habitabilité ?
L’une des premières conséquences de la sur-exploitation du système Terre va toucher notre capacité à nous nourrir. C’est le retour des famines sur le territoire européen en raison d’une désertification des sols. Il n’y aura plus de vignes en Alsace, plus de blé, plus de vaches, de cochons… Il y a aussi le sujet de la mortalité due à la chaleur. En Europe occidentale, il y a déjà 50 000 morts en moyenne chaque année en raison de la chaleur, principalement des personnes vulnérables. Je relate dans le livre le cas d’un travailleur des travaux publics qui décède sous l’effet d’une vague de chaleur. Ou encore celui d’un enseignant qui meure devant ses élèves au Pakistan. On peut aussi évoquer la pénurie, difficile à imaginer dans un monde marqué par l’abondance, notamment d’eau. Or, notre croissance est alimentée par les énergies fossiles mais aussi par l’eau. Il y a aussi la pollution et la hausse des maladies…
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans vos lectures ces dernières années ?
C’est peut-être la non-linéarité des effets du changement climatique et de la perte de biodiversité. Nous n’avons encore rien vu. Nous n’avons encore éprouvé que des conséquences dans le prolongement des causes, mais avec la non-linéarité, ou les points de bascule, on rentre dans l’inconnu. Mon travail en tant que chercheur, c’est justement de transmettre cela, de montrer les liens entre les différents éléments, entre l’effondrement du courant océanique Amoc et l’alimentation par exemple, pour pousser à l’action. Savoir ne suffit pas, mais c’est déjà un premier pas important. C’est tout ce que je cherche à faire avec ce livre. Car l’emballement est déjà là.
*2049, Ce que le climat va faire à l’Europe” de Nathanaël Wallenhorst, éditions du Seuil, 19/09/2025