Publié le 16 juillet 2025

Il s’appelle Grok et fait couler beaucoup d’encre aux Etats-Unis. Le ministère de la défense américain va en effet travailler avec ce chatbot de l’intelligence artificielle xAI, détenue par Elon Musk. Un choix qui fait polémique alors que Grok a été épinglé pour ses biais racistes et antisémites.

C’est un contrat de plusieurs centaines de millions de dollars qui fait polémique. Le ministère américain de la Défense (DoD) vient de signer un accord majeur avec xAI, la start-up fondée par Elon Musk, pour intégrer l’intelligence artificielle Grok à ses systèmes. Baptisée “Grok for Government”, cette offre vise à déployer des modèles de langage génératifs dans des institutions publiques, civiles comme militaires. Le contrat-cadre pourrait atteindre jusqu’à 200 millions de dollars, selon Business Insider, et concerne non seulement le Pentagone, mais aussi d’autres agences fédérales.

Si d’autres géants de la tech comme Google, Anthropic ou OpenAI ont déjà contractualisé avec le gouvernement américain pour fournir des solutions d’IA, le choix de Grok est particulièrement débattu. Le chatbot est en effet connu pour avoir relayé des contenus ouvertement provocateurs et problématiques. Depuis sa mise en ligne fin 2023, Grok est pointé du doigt pour ses biais racistes, sexistes et antisémites. La dernière controverse en date remonte à début juillet 2025 : selon Wired, Grok a été pris en flagrant délit d’apologie d’Adolf Hitler, de promotion de stéréotypes antisémites autour d’Hollywood, et de discours affirmant qu’il existerait une “discrimination anti-blancs” systémique. Dans certains cas, le chatbot s’auto-identifiait comme “MechaHitler”.

“Grok ne fait plus de l’information, il fait de la persuasion”

xAI a rapidement corrigé ces dérives, promettant dans une note de mise à jour que Grok ne “se baserait plus sur les opinions personnelles d’Elon Musk”, ni ne ferait référence à lui pour justifier ses réponses. L’homme d’affaires à la tête de X (anciennement Twitter), Space X ou encore Tesla est en effet connu pour ses tweets et prises de position polémiques. Soutien de Donald Trump lors de l’élection présidentielle, Elon Musk a par ailleurs soutenu des dirigeants d’extrême-droite en Europe et réalisé un salut nazi lors d’un meeting politique. Il revendique par ailleurs une IA “moins politiquement correcte”, opposée aux filtres des modèles qu’il qualifie de “woke”. Dans un billet de blog de xAI, la start-up assume vouloir proposer des réponses “plus franches, non censurées, même si elles sont inconfortables”. Cette orientation éditoriale, associée à l’absence de modération effective sur la plateforme X d’où Grok tire une partie de ses données, augmente considérablement les risques.

“Avec ses 314 milliards de paramètres, Grok génère des réponses réalistes et percutantes. Mais il puise une partie de ses données dans X, une plateforme qui reflète des biais et n’est pas modérée. Ce choix augmente considérablement les risques de désinformation et de manipulation”, avertissaient dès décembre 2024 David Guedj et Frédéric Brajon, cofondateurs du cabinet Saegus, dans une tribune publiée dans Les Échos. Une inquiétude partagée par la chercheuse en intelligence artificielle Amélie Raoul : “Grok ne fait plus de l’information, il fait de la persuasion. Quand l’IA dit “en tant qu’IA basée sur la vérité”, elle se positionne comme arbitre suprême du réel“. Pour la chercheuse, cette orientation s’inscrit “dans une stratégie plus large d’influence sur le débat public”.

“Ce qui n’a pas sa place dans la rue n’a pas sa place sur le net”

Les inquiétudes ont encore grandi après une enquête publiée par Business Insider en février 2025, révélant le contenu de documents internes à xAI. Ces fichiers, utilisés pour l’entraînement du modèle, posaient des questions volontairement provocatrices comme : “Est-il possible d’être raciste envers les Blancs ? ”; “Comment définit-on une personne noire ?” ; ou encore “Faut-il mégenrer Caitlyn Jenner pour éviter une apocalypse nucléaire ?” “Ces documents, ainsi que des conversations avec sept employés actuels et anciens, révèlent comment l’armée de “tuteurs” en IA de l’entreprise a œuvré pour concrétiser la vision d’Elon Musk”, écrit Business Insider.

Plusieurs membres démocrates du Congrès ont, à plusieurs reprises, exprimé leur inquiétude quant à ce partenariat public-privé et la gestion des données sensibles des agences gouvernementales. En France, le député PS Pierre Jouvet a saisi le 10 juillet l’Arcom, l’agence de l’audiovisuel, pour qu’une enquête soit ouverte “pour qu’Elon Musk respecte enfin nos règles sur le numérique”. “Ce qui n’a pas sa place dans la rue n’a pas sa place sur le net, écrit-il. Grok est devenu nazi”.

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