La nouvelle fait tâche dans le monde feutré du textile de luxe. Loro Piana, filiale du géant du luxe LVMH spécialisée dans le cachemire, vient d’être placée sous “administration judiciaire” en Italie pour avoir “facilité par négligence” l’exploitation d’ouvriers immigrés chinois dans sa chaîne de sous-traitance. C’est le tribunal judiciaire de Milan qui a procédé à cette décision, dans le cadre d’une enquête lancée en mai contre la maison de luxe.
La justice reproche notamment à Loro Piana de “ne pas avoir mis en place les mesures adéquates pour vérifier les conditions réelles de travail […] des sociétés sous-traitantes”, et d’avoir été “incapable d’empêcher et d’endiguer les phénomènes d’exploitation de main d’oeuvre” dans sa chaîne de production.
“Des conditions hygiéniques et sanitaires en dessous du minimum éthique”
Loro Piana avait en effet établi un contrat de sous-traitance avec une société italienne qui ne disposait pas de capacités de production propres. Cette dernière a donc à son tour sous-traité la production, qui a été prise en charge par un atelier exploitant des ouvriers chinois en situation irrégulière. La justice italienne pointe ainsi des conditions de travail illégales, ne respectant pas la législation en matière sanitaire, de sécurité et même de salaires, d’horaires de travail ou encore de pauses. Les salariés étaient contraints de dormir “dans des dortoirs construits abusivement, dans des conditions hygiéniques et sanitaires en dessous du minimum éthique”, pointe le rapport judiciaire.
Contacté par les médias italiens, le dirigeant de Loro Piana, Pier Luigi Loro Piana, s’est dit “absolument serein” et “convaincu que [l’entreprise] n’a pas fait appel à des entreprises qui exploitent les travailleurs”. La responsabilité du groupe est pourtant mise en cause par la justice, et Loro Piana a désormais un an pour démontrer sa capacité à réformer son modèle de production, sous la supervision du tribunal. Parallèlement, plusieurs personnes, parmi les sous-traitants ayant organisé le système de production, ont été mis en examen, et des amendes de près de 240 000 euros ont été infligées aux auteurs.
L’exploitation derrière l’industrie du luxe
Selon le rapport judiciaire, ce système d’exploitation des travailleurs permettait à Loro Piana de commander ses vestes à bas coût, soit environ 120 euros par pièce, avant de les revendre près de 3 000 euros à ses clients. Avec cette affaire, c’est donc une nouvelle fois l’image d’excellence de l’industrie du luxe qui est écornée. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le géant du luxe LVMH et ses filiales sont mis en cause dans des affaires similaires relevant de leurs obligations de vigilance sociale et de conditions de travail. L’année dernière, c’est la filiale de LVMH Dior qui avait été épinglée pour les mêmes faits. L’entreprise avait été condamnée en mai à verser deux milliers d’euros d’aides aux “victimes d’exploitation”, dans le cadre de cette enquête.
En Italie, où sont produits près de 50% des vêtements de l’industrie du luxe, les scandales du même type se sont multipliés ces dernières années. D’autres marques de luxe ont également été assignées en justice pour ne pas avoir veillé au respect des normes sociales et sanitaires chez leurs fournisseurs italiens, dont Armani, Alviero Martini ou Valentino. Des affaires qui illustrent à nouveau l’importance pour les entreprises de veiller à respecter leur devoir de vigilance, et à garantir le respect des droits humains et environnementaux tout au long de leur chaîne de valeur, à l’heure où l’Union européenne entend pourtant revenir sur sa loi sur le devoir de vigilance, votée en 2024.