Publié le 20 août 2025

Raphaël Graven, alias Jean Pormanove, est mort en direct sur la plateforme Kick, après plusieurs jours d’humiliations et de violences diffusées en ligne. Derrière ce drame, Kick, peu connue du grand public, est pointée du doigt pour sa complicité et sa modération quasiment inexistante.

“Les plateformes, les spectateurs, les “acteurs”, tous responsables. Tous dégueulasses”. L’indignation du médecin et écrivain Baptiste Beaulieu résume le choc provoqué par la mort de Raphaël Graven. Depuis quelques jours, des internautes découvrent, effarés, la sordide histoire de la mort de cet influenceur. Connu sous le pseudo Jean Pormanove ou JP, il était une figure emblématique du collectif “Le Lokal TV”. Il est mort en direct sur la plateforme dans la nuit de dimanche 17 août à lundi 18 août, après avoir subi une série d’humiliations et de violences pendant plusieurs jours de la part de ses deux partenaires de streaming, Naruto et Safine. Sa chaine était la plus suivie de Kick France.

La justice a ouvert une enquête pour “recherche des causes de la mort”. Mais le sujet était déjà connu. En décembre 2024 une enquête de Médiapart avait conduit la justice à se saisir de l’affaire pour “violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables” et “diffusion d’enregistrement d’images relatives à la commission d’infractions”.

“Kick a gagné beaucoup d’argent sur la torture d’un être humain”

Sur X (anciennement Twitter), Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du numérique dit avoir saisi l’Arcom (le gendarme de l’audiovisuel, NDLR), et effectué un signalement sur Pharos, le portail de signalement des contenus illicites de l’internet. “La responsabilité des plateformes en ligne sur la diffusion de contenus illicites n’est pas une option : c’est la loi. Ce type de défaillances peut conduire au pire et n’a pas sa place en France, en Europe ni ailleurs”, écrit-elle.

Il est pour l’instant difficile de connaître la responsabilité juridique de la plateforme dans ce décès en direct. Mais pour Maître Eolas, l’avocat / bloggeur le plus connu du web français, la ministre fait fausse route. “La loi dit littéralement le contraire, commente-t-il en réaction au post de la ministre. Les hébergeurs de contenu sont en principe irresponsables du contenu qu’ils hébergent et qu’ils n’ont ni créé ni validé et dont ils ignorent l’existence.”

Difficile pourtant d’ignorer son existence alors que l’enquête de Médiapart avait mis le doigt sur un système de maltraitance. Vincent Flibustier, militant contre la désinformation et spécialiste des réseaux sociaux résume sur X : “Imagine, t’as dans le monde réel un bar dans lequel il y a un type qui se fait torturer, que des gens payent pour voir ça… Et que le patron du bar prend 30% des revenus. Tout le monde est responsable, le patron du bar aussi. Kick a gagné beaucoup d’argent sur la torture d’un être humain”.

Une politique de modération très permissive

La plateforme, peu connue du grand public, a été créée en 2022. Venue tout droit d’Australie elle entend rivaliser avec le géant du streaming, Twitch. En plus d’être beaucoup plus attractive financièrement pour les créateurs de contenus, elle s’est dotée d’une réputation de plateforme “sulfureuse”. Sa politique de modération, très permissive, voire inexistante, permet à des influenceurs bannis ailleurs de réapparaitre sur Kick. C’est notamment le cas de profils masculinistes comme Andrew Tate, ancien kickboxeur misogyne, proche de Donald Trump et banni de plusieurs réseaux sociaux. En partie financée par le casino en ligne Stake, interdit en France.

Interrogée par Novethic sur le décès de Raphaël Graven, la plateforme Kick n’a pas répondu à nos sollicitations. Sur Twitter, le 20 août Kick France a posté cette déclaration : “Tous les co-streamers ayant participé à cette diffusion en direct ont été bannis dans l’attente de l’enquête en cours. Nous nous engageons à collaborer pleinement avec les autorités dans le cadre de ce processus”. Ce drame soulève des questions éthiques majeures sur les dérives du divertissement en ligne, la responsabilité morale des plateformes et le rôle des spectateurs.

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