Publié le 17 septembre 2024

Une spécialiste du climat à la Transition écologique, la compétitivité à toutes les sauces, le désir de simplification des réglementations environnementales et sociales… Novethic décrypte la nomination des nouveaux commissaires européens, annoncée ce 17 septembre par la présidente Ursula von der Leyen.

Après plusieurs jours de retard, l’organigramme a enfin été dévoilé. Ce mardi 17 septembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé sa liste des nouveaux commissaires européens. Ces 26 commissaires, un par Etat membre – sauf la Slovénie qui n’a toujours pas confirmé son ou sa candidate -, lancent le nouveau quinquennat de la présidente à la tête de l’exécutif européen. Chaque nomination devra ensuite être approuvée par le Parlement européen après l’audition des candidats par les eurodéputés.

  • Une spécialiste du climat, Teresa Ribera, à la tête de la Transition propre, juste et compétitive

Son nom, proposé par le gouvernement espagnol, circulait depuis plusieurs semaines. Mais face à la fronde du Parti populaire européen (PPE) et de certains gouvernements pro-nucléaire comme la France, il n’était pas certain que Teresa Ribera obtienne un portefeuille lié à la transition écologique. Des rumeurs évoquaient ainsi qu’elle pourrait se voir confier la Concurrence. La vice-présidente du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez, ministre de la Transition écologique, ancienne directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), obtient finalement un large portefeuille sur la transition écologique qui inclut la concurrence. Celui-ci vise à poursuivre la mise en œuvre du Pacte vert mais aussi “la décarbonation et l’industrialisation de l’économie, en même temps”, a précisé Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission. Elle travaillera notamment avec Wopke Hockstra, ancien de Shell et McKinsey qui conserve son portefeuille sur le climat, Dan Jorgensen, un Danois de centre-gauche qui prend en charge l’énergie et le logement (une nouveauté) et Jessika Roswall, une Suédoise du parti libéral conservateur nommée commissaire à l’environnement, la résilience de l’eau et une économie circulaire compétitive. Teresa Ribera fait également partie des six vice-présidents exécutifs de la nouvelle commission.

  • Stéphane Séjourné, un gros portefeuille industriel et un problème de “gouvernance”

La France obtient un poste clé. Stéphane Séjourné, proche d’Emmanuel Macron obtient l’une des six vice-présidences du nouveau collège de commissaires européens. Il sera chargé de la politique industrielle européenne qui comprend “l’industrie, les PME et le marché unique”, a expliqué Ursula von der Leyen lors d’une conférence de presse. Ce dernier devra ainsi garantir “la stabilité économique et la sécurité économique” des entreprises pour “prospérer, investir et innover”. Si la France a réussi à obtenir un portefeuille aussi important c’est qu’elle a accepté, à la dernière minute, de ne pas proposer le nom de Thierry Breton, membre sortant de la Commission européenne à la demande d’Ursula von der Leyen. C’est en tout cas ce qu’affirme l’ancien ministre français dans sa lettre de démission publié le 16 septembre. “A la lumière des derniers développements − qui témoignent une fois de plus d’une gouvernance douteuse − je dois conclure que je ne peux plus exercer mes fonctions au sein du Collège”, écrit-il dans sa lettre. Les relations étaient tendues entre la présidente et l’ancien commissaire au marché intérieur qui s’était fait taper sur les doigts à de multiples reprises. Dernier fait public en date : le 14 août, la Commission avait publiquement désavoué Thierry Breton qui avait rappelé à Elon Musk ses obligations de modération dans le cadre de son débat avec l’ancien président américain Donald Trump.

  • La simplification administrative au détriment du Pacte Vert ?

Ursula von der Leyen semble avoir suivi les recommandations du rapport Draghi,  en matière de “simplification administrative”. Pour relancer la compétitivité européenne, l’ancien président de la Banque Centrale Européenne Mario Draghi préconisait dans un rapport dévoilé le 9 septembre de réduire la charge administrative pesant sur les entreprises, en créant un commissariat à la simplification dont la tache serait d’alléger les réglementations affectant les entreprises. Cela pourrait être la mission de l’ancien Premier ministre letton, le libéral-conservateur Valdis Dombrovskis, qui vient d’être nommé au poste de commissaire européen à l’économie, la productivité et la simplification. Ce dernier dépendra directement de la présidente de la commission pour ce poste. Présentée comme une priorité de la prochaine feuille de route de la Commission européenne, la simplification des normes européennes pourrait notamment avoir des conséquences sur les réglementations en matière sociale et environnementale, pointées du doigt dans le rapport Draghi comme sources de “fardeau administratif”. Une posture qui inquiète déjà certaines associations environnementales. Dans le viseur potentiel de cette simplification, la loi sur le devoir de vigilance européen ou encore la CSRD, deux lois censées responsabiliser les grandes entreprises sur leurs impacts environnementaux et sociaux. Reste à savoir si Valdis Dombrovskis, qui a dans le passé été l’un des moteurs de nombreuses normes du Pacte Vert, compte effectivement revoir à la baisse les ambitions européennes sur la question.

  • La compétitivité au centre de la nouvelle Commission

C’est un terme qu’on retrouve dans beaucoup de portefeuilles. La compétitivité est ainsi associée, de façon inédite, à la Transition écologique et à l’Economie circulaire. De même, alors que le précédent commissariat à l’économie était rattaché “au service des personnes”, il est aujourd’hui associé à la “productivité”, quand le commissariat au climat est quant à lui lié à la “croissance propre”. Ces terminologies traduisent la nouvelle priorité accordée par l’Europe à la compétitivité, à la suite du rapport Letta sur l’avenir du marché intérieur et Draghi publiés ces derniers mois, alors que le continent fait face à la concurrence des Etats-Unis et de la Chine dans de nombreux secteurs. “La toile de fond est la compétitivité (…). Tout le Collège s’engage sur la compétitivité. Nous avons démoli les anciens silos rigides. C’est l’une des principales recommandations du rapport Draghi”, a ainsi expliqué la présidente de la Commission européenne. Dans son discours d’investiture, Ursula von der Leyen, avait déjà mis en avant la “prospérité et la compétitivité” du continent, dans un appel du pied au Parti populaire européen (PPE), fractionné autour de sa candidature. Après le Pacte vert, qui avait été au cœur de sa précédente mandature, elle met désormais l’accent sur le Pacte pour une industrie propre, qui doit être présenté d’ici la fin de l’année.

  • Maria Luis Albuquerque au service de la productivité et de l’innovation

L’Irlandaise Mairead McGuinness, qui a piloté la mise en application concrète du plan d’action sur la finance durable de l’Union européenne, tire sa révérence. Elle est remplacée par Maria Luis Albuquerque, ancienne ministre des Finances portugaise, affiliée au parti social-démocrate (centre droite). La dénomination de son portefeuille change, elle devient commissaire européenne en charge des services financiers et de l’union de l’épargne et des investissements. Mairead McGuinness a œuvré à l’élaboration des lois structurantes pour la finance durable, telle que la taxonomie des activités vertes, la réglementation sur la transparence des fonds durables (SFDR) ou encore la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD). Le rôle de Maria Luis Albuquerque apparaît à première vue moins structurant. Il sera néanmoins critique pour assurer la transition de l’Europe, selon Maria van der Heide, responsable de la politique européenne de l’ONG ShareAction. “Les enjeux sont élevés“, estime-t-elle, car il s’agit de faire en sorte de “s’assurer que les investissements sont orientés vers des activités qui génèrent un réel changement positif“. Ursula von der Leyen, dans la présentation de sa nouvelle Commission esquisse en quelques mots les contours de la mission de la commissaire aux Finances dont le rôle sera “vital pour renforcer notre union des marchés de capitaux, pour alimenter notre productivité et alimenter notre innovation“.

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