Publié le 18 août 2024

Sur terre, dans les airs ou sur la mer…Novethic vous propose de prendre le large sans quitter son transat. Au programme, un voyage en terre inconnue, une expédition dans les profondeurs de l’océan Pacifique ou encore une enquête scientifique sur une énigmatique disparition. Allez, il est temps d’embarquer.

L’appel irréfragable du Grand Nord

Jean Malaurie, qui nous a quitté le 5 février dernier, a été tout au long de sa vie un infatigable lanceur d’alerte sur l’état de notre planète et la nécessité de préserver l’Arctique. Cette figure majeure de l’anthropologie et de la géographie a marqué son époque avec notamment la publication en 1955 de son premier livre sur les “Derniers rois de Thulé”, lançant ainsi la collection Terre humaine, aux éditions Plon. Comme pour lui rendre un dernier hommage, Novethic vous propose de plonger à travers ce magnifique roman graphique dans sa première expédition arctique, à la découverte de la mythique cité septentrionale de Thulé et de ses habitants, les Inuits.

Février 1950, Malaurie a 28 ans. Il est en Algérie et mène sa deuxième mission scientifique en solitaire dans la montagne saharienne, lorsqu’il apprend par missive de l’ambassadeur de France à Copenhague qu’il est autorisé à se rendre au Groenland. Ni une ni deux, sans même attendre les crédits alloués par le CNRS, le voilà en direction du Grand Nord, pour un an. Seul, sans équipement, sans vivre, et sans même connaître un mot de la langue des Inuits, il est débarqué le 23 juillet “au sommet du monde : l’Ultima Thulé.

Sans a priori, libre, Jean Malaurie va très vite être mis en relation avec le chaman Uutaaq, qui l’a convoqué. De cette première rencontre, il restera marqué, comme il le raconte : “je vivais, en innocent, un processus d’ensemencement chamanique”. L’explorateur a alors le sentiment d’avoir été choisi. Mais malgré l’accomplissement de son rêve, il sombre dans la dépression à mesure que l’hiver approche. “Je prends conscience que je ne suis rien. Je ne sais rien. Je ne serai rien”, se dit-il. Pourtant, cette prise de conscience sera le début de son voyage dans ce territoire hostile, “impitoyable, cruel, pour les faibles”, mais aussi le début d’un long combat pour la préservation de ces territoires polaires. “Le Groenland subit un ethnocide silencieux dans l’indifférence générale”, expliquait il encore récemment dans son dernier livre “Lettre à un Inuit de 2022, un regard angoissé sur le destin d’un peuple”. La société inuite a le plus haut taux de suicide au monde.

Pierre Makyo, Frédéric Bihel, “Malaurie, l’appel de Thulé”, aux éditions Delcourt, 136 pages

Sur les traces d’une mystérieuse et inquiétante disparition

Dans un tout autre registre, et sous d’autres latitudes, le grand reporter Michel Izard nous emmène sur une terre sur laquelle l’homme n’a pas mis les pieds depuis presque un demi-siècle, une petite île au sud de l’océan Indien, dans la zone des 50e hurlants : l’île aux Cochons. Contrairement à son nom, ce petit bout de terre, inhospitalière, est le paradis pour un certain nombre d’espèces, comme l’éléphant de mer, l’albatros ou encore le manchot royal. Ce dernier y est même l’un des principaux habitants. Lors d’une mission scientifique, les chercheurs y ont observé la plus grande colonie au monde. En 1982, pas moins d’un million d’individus y était recensé. Mais en l’espace d’une trentaine d’années, 88% d’entre eux avaient mystérieusement disparu. Sans aucune raison apparente.

Dans un article paru en 2018 dans la revue Antarctic Science, plusieurs hypothèses sont émises pour expliquer ce dépeuplement. Tout est possible. Alors pour en avoir le cœur net, Michel Izard embarque en novembre 2019 avec trois chercheurs français et trois agents de la réserve naturelle de l’Île aux Cochons sur le mythique Marion Dufresne, ce navire ravitailleur des Terres australes et antarctiques françaises. Au bout de cinq jours de traversée, l’île leur apparaît. Avant de mettre pied à terre, un nettoyage complet du matériel est réalisé. Même les patins de l’hélicoptère qui les déposera d’ici peu sur ce bout de terre, sont astiqués. Rien ne doit venir la contaminer.

Une fois le pied sur l’île, le temps est compté pour ces chercheurs venu lever le voile sur ce mystère. Ils n’ont que cinq jours pour passer au crible toutes les hypothèses possibles. Une maladie ? Des prises de sang et des tests salivaires sont réalisés sur un charognard qui se régale de carcasses de manchots, un bon indicateur, mais à côté, aucun signe de mortalité suspecte n’est visible. Un prédateur, peut-être ? Des pièges photographiques sont alors posés. Surprise : “un chat roux, comme ceux que de nos balcons et de nos gouttières”, rapporte Michel Izard. Est-ce les coupables ? Peu probable pour les chercheurs. Il faut encore chercher.

Mais un ennemi invisible, le changement climatique, pourrait bien être la cause de ce déclin massif. Avec le réchauffement de l’océan, le scientifique s’interroge sur la nourriture de ces manchots. Est-elle toujours suffisante ? Mais il est déjà temps de repartir et rendre l’Île aux Cochons à ses habitants. Ce récit passionnant vous plonge dans les conditions réelles des expéditions scientifiques. Dur, laborieux et parfois infructueux, ce travail de terrain reste pourtant la clef pour comprendre le monde qui nous entoure et ses bouleversements. Ce carnet de bord se lit donc comme un polar.

Michel Izard, “Le mystère de l’île aux cochons”, aux éditions Paulsen, 320 pages

Une plongée dans un monde microscopique

Plus atypique, plus poétique mais surtout plus romanesque, l’écrivain Wilfried N’Sondé nous embarque avec “Héliosphéra, fille des abysses” sur la mythique goélette Tara, au cours d’une expédition océanographique menée aux larges des côtes chiliennes. Invité à bord pour une résidence artistique de cinq semaines, l’auteur de “Femme du ciel ou des tempêtes” a le coup de foudre pour un monde microscopique, invisible à l’œil nu, qu’est le plancton.

Alors que le monde est à l’arrêt, confiné, puisque l’histoire se déroule en pleine crise sanitaire, l’équipage s’affaire autour de ces êtres à la base de la chaîne alimentaire aquatique. Héliosphéra est bel et bien le personnage principal de ce roman. Vous suivrez l’incroyable parcours de ce plancton animal de l’espèce des radiolaires du fond des abysses jusqu’à sa rencontre avec Xanthelle, une algue qui deviendra sa partenaire de vie. Mais ce ballet nuptial, à l’origine de toutes vies aquatiques, est malheureusement confronté à l’homme et son empreinte. A travers tout d’abord une rencontre avec Ollanta, chercheuse à bord du Tara, qui les observe au risque de casser leur union mais surtout avec la rencontre d’un dangereux fragment de polyéthylène, issus d’un ballon de baudruche abandonné sur les bords d’un cours d’eau dans les Hautes-Alpes dix ans plus tôt.

Déroutant et inédit, ce roman basé sur les recherches de la Fondation Tara Océan est un éclairage sur la beauté d’un monde invisible dont l’histoire n’a jamais été écrite, mais aussi sur les ravages de l’homme que l’on connaît déjà trop. En beauté et colère, ce livre ne vous laissera pas insensible à la nécessité d’agir pour protéger cet écosystème fragile.

Wilfried N’Sondé, “Héliosphéra, fille des abysses. D’amour et de plancton”, aux éditions Actes Sud, Collections Mondes Sauvages, 136 pages.

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