Publié le 19 octobre 2025

A peine quelques années après leur lancement, les liaisons en train de nuit entre Paris, Berlin et Vienne prendront fin en décembre prochain. Cet arrêt fait suite à la fin du versement de la subvention accordée depuis 2023 par l’Etat. Un coup dur pour les défenseurs du rail qui pointent le potentiel économique et environnemental de cette alternative à l’avion.

La relance des trains de nuit européens depuis la France serait-elle en train de dérailler ? En l’espace de quelques semaines seulement, trois suppressions ont été annoncées. Faute de financements publics suffisants, les liaisons Berlin-Stockholm, Paris-Berlin et Paris-Vienne sont aujourd’hui remises en cause. Si la première devrait finalement être reprise partiellement par un opérateur ferroviaire privé, les deux autres s’arrêteront définitivement dès le 14 décembre prochain malgré un taux de remplissage moyen évalué à 70%. En 2024, 66 000 voyageurs ont en effet fait le choix du train de nuit pour se rendre à Vienne et Berlin depuis Paris.

Pour justifier cette décision, SNCF Voyageurs affirme dans un communiqué avoir “été informé par le ministère des Transports français de l’arrêt en 2026 de la subvention de l’Etat pour l’exploitation en France” de cette offre. Une aide de 10 millions d’euros par an que la société estime “indispensable pour assurer sa viabilité économique”. L’Etat français s’était en effet engagé à soutenir financièrement le lancement des lignes Paris-Berlin/Vienne pour une durée toutefois limitée à trois ans maximum. De son côté, le ministère explique prioriser les liaisons de nuit intérieures, qui, elles, bénéficient de subventions pérennes, dans un contexte de rigueur budgétaire.

Un modèle fragilisé

Mais l’Etat reprocherait également un manque de résultats, les trains reliant Paris, Vienne et Berlin ne circulant que trois jours par semaine, alors que la SNCF et ses partenaires ÖBB et DB promettaient à l’origine une desserte quotidienne. “Il y a une part de vérité mais ces arguments sont contestables, note Alexis Chailloux, responsable aérien et ferroviaire au sein du Réseau Action Climat (RAC), interrogé par Novethic. Le modèle économique d’une ligne de train de nuit met du temps à se stabiliser. On a l’impression que l’Etat n’a pas laissé leur chance à ces lignes”.

Ces suppressions illustrent en outre les limites du service librement organisé, au sein duquel les opérateurs sont en concurrence, sans autorité organisatrice. “Avec cette politique, on fait reposer l’intégralité des lignes de nuit européennes sur la bonne volonté et la capacité des entreprises ferroviaires à générer du profit, avance Alexis Chailloux. Cela entraîne une fragilité qui pourrait être résolue avec une vraie ambition européenne sur le sujet”.

En soutenant les trains de nuit au travers de financements publics, comme une aide à l’exploitation, une baisse de la TVA ou encore une réduction des péages, ces derniers pourraient pourtant trouver, à terme, un équilibre financier, selon une étude publiée en décembre 2020 par le ministère des Transports. Elle soulignait que les liaisons internationales pourraient en effet obtenir “un bon résultat économique avec un léger bénéfice”, à condition d’optimiser le service, en mettant en place par exemple des horaires adaptés et une gamme de service complète.

Fréquentation record

D’autant que du côté des voyageurs, la demande est croissante : en 2024, plus d’un million de passagers ont emprunté le train de nuit en France, lignes intérieures et internationales comprises, selon un rapport du RAC.

Et le bilan pourrait même être encore plus solide en prenant en compte les externalités positives. En utilisant le train plutôt que l’avion pour se rendre par exemple à Berlin ou Vienne, un passager évite l’émission d’environ de 200 kg CO2e pour un aller simple. “L’Etat fait un calcul à très court terme parce qu’il a des contraintes budgétaires, mais il ne met pas dans l’équation les gains économiques liés au report modal”, appuie auprès de Novethic Pascal Dauboin, membre du collectif Oui au train de nuit.

Des enjeux cruciaux dont semblent vouloir s’emparer certains de nos voisins européens, à rebours des reculs constatés en France. Le 8 octobre dernier, le parlement espagnol a approuvé une nouvelle loi sur la mobilité durable. Parmi les mesures phares de ce texte est mentionnée la réintroduction des trains de nuit. Une avancée politique qui pourrait faire renaître des liaisons avec la péninsule ibérique presque totalement disparues depuis la crise sanitaire.

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