Après des mois de baisse, les émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises repartent à la hausse. Sur le troisième trimestre, elles ont augmenté de 0,5% sur un an, après une baisse de 5% et de 2,2% lors des deux premiers trimestres, selon des données publiées vendredi 27 décembre par le Citepa, l’organisme mandaté pour dresser le bilan carbone du pays. Sur les neuf premiers mois de l’année, les émissions restent en baisse de 2,4%, hors puits de carbone. A titre de comparaison, l’an dernier sur la même période de temps, le recul était de 6%. Et l’année 2023 s’était conclue par une baisse des émissions de 5,8% par rapport à 2022.
2024 s’annonce donc comme un moins bon cru. Ce ralentissement “nous rappelle qu’il ne faut pas baisser la garde”, même si “fort heureusement (il) nous laisse encore sur la bonne trajectoire”, a souligné vendredi sur RTL la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. “Compte tenu des efforts que nous avons faits ces deux dernières années, nous ne prenons pas de retard” sur l’objectif de réduire de 55% les émissions de la France d’ici à 2030, a-t-elle ajouté.
+11,8% pour le bâtiment
Le ralentissement de la baisse des émissions sur neuf mois provient des secteurs du bâtiment et des transports dont les émissions sont reparties à la hausse ces derniers mois. Concernant les transports, cette hausse est principalement due à une augmentation des émissions du trafic routier (+1,1% sur le trimestre). Dans ce secteur, Agnès Pannier-Runacher a une nouvelle fois évoqué l’hypothèse d’un durcissement des conditions encadrant le renouvellement des flottes automobiles des entreprises. “Les entreprises achètent deux fois moins de voitures électriques que les ménages et donc elles ne jouent pas le jeu. Il va falloir les pousser à jouer le jeu”, a-t-elle déclaré.
Mais c’est surtout le secteur du bâtiment qui plombe le bilan du troisième trimestre, avec une augmentation de 11,8%. Ce fort rebond provient de la hausse des émissions associée au chauffage des bâtiments résidentiels et tertiaires au mois de septembre 2024.
Du côté des bonnes nouvelles, le transport aérien intérieur voit ses émissions se réduire de 4,1% au troisième trimestre, amplifiant la baisse déjà constatée en 2023 (-3,5%). Sur le 3e trimestre, les secteurs de la production d’énergie et de l’industrie contribuent toujours à la dynamique de réduction des émissions (-12,9%), en raison du moindre recours aux énergies fossiles. Pour l’agriculture, le Citepa précise que “seule une partie des évolutions des émissions du secteur” est estimée et que la “quasi-stagnation des émissions (+0,3%)” sur neuf premiers mois “reste un aperçu partiel“.
“Electrochoc”
“Ceci devrait être un électrochoc pour le nouveau gouvernement”, réagit sur le réseau Bluesky Anne Bringault, la directrice des Programmes au Réseau Action Climat. “Les politiques de stop & go sur la transition écologique, comme le report des obligations de rénovation des passoires énergétiques et la baisse des soutiens publics (aux véhicules électriques, à la rénovation ou au fonds vert) ont malheureusement des effets très concrets sur les émissions de gaz à effet de serre de la France“,ajoute-t-elle. Elle pointe aussi un ministère de la Transition écologique “amputé des transports, du logement, de l’énergie, et, comme précédemment sans l’agriculture ni l’industrie“. “Il reste quoi comme leviers pour réduire les émissions de GES ?“, interroge-t-elle.
Le Citepa rappelle qu’en 2023, tous les secteurs avaient contribué à la baisse des émissions. “Cette dynamique, multifactorielle, doit se poursuivre pour maintenir une trajectoire de décarbonation compatible avec les objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone” (SNBC), souligne l’organisme. La trajectoire de réduction pour atteindre la nouvelle cible provisoire de 270 millions de tonnes équivalent CO2 en 2030 hors puits de carbone, indiquée dans le projet de SNBC 3, implique une réduction nécessaire de 4,7% par an (soit -16 Mt CO2e/an en moyenne) entre 2022 et 2030.
La France, qui doit s’aligner sur l’objectif européen de -55% d’émissions d’ici 2030 par rapport à 1990 et qui ambitionne la neutralité carbone en 2050, avait échoué à respecter son premier budget carbone (2015-2018) et avait revu ses ambitions à la baisse en 2019. Le bilan de la SNBC 2 devrait être dressé en 2025.