Pour mobiliser le grand public sur la crise climatique, encore faut-il en parler. Tandis que de nouveaux récits dépeignant un monde durable et désirable commencent tout juste à faire leur apparition, seuls 3% des scénarios télévisés et cinématographiques font aujourd’hui état de l’urgence écologique. C’est le constat qui a poussé l’agence de consulting américaine Good Energy à créer un nouvel outil évaluant la représentation du changement climatique dans les œuvres de culture populaire.
Intitulé “Climate reality check”, ce test qui peut s’appliquer tout autant aux films, qu’aux séries ou aux émissions télévisées, se décompose en deux questions : est-ce que la crise climatique existe et est-ce qu’au moins l’un des personnages le sait ? Le premier point permet de s’assurer que le monde est représenté tel qu’il est, sans faire l’impasse sur les impacts du réchauffement climatique. “Plusieurs études montrent que les spectateurs qui voient le changement climatique dans les films sont plus susceptibles d’en faire une priorité dans la vie réelle”, notent les auteurs du test.
Les Oscars à l’épreuve du test
Le second volet a pour objectif de veiller à ce que le changement climatique soit formulé clairement par l’un des personnages. Cela peut se concrétiser lors d’une conversation ou au travers d’une action en réponse à la crise climatique, permettant au téléspectateur de s’identifier au héros. La verbalisation peut également encourager le public à prendre la parole sur le sujet. Selon une étude de l’université de Yale, à peine plus d’un tiers des Américains parlent du changement climatique avec leur famille ou leurs amis. Un silence qui peut être source d’éco-anxiété ou d’inaction.
Pour mettre à l’épreuve le Climate reality check, une équipe de chercheurs a analysé les longs-métrages nommés lors de la cérémonie 2024 des Oscars. Sur 31 films, treize répondent à la seule contrainte imposée par le test : que les œuvres ne se déroulent pas dans un passé lointain ou sur d’autres planètes que la Terre. Sur le podium final, seulement trois longs-métrages tirent leur épingle du jeu. On retrouve tout d’abord le blockbuster “Barbie”, durant lequel Sasha, une adolescente rebelle, évoque le lien entre crise climatique et consumérisme au détour d’un dialogue avec la poupée grandeur nature.
Représenter pour mieux mobiliser
Puis vient “Mission : Impossible-Dead Reckoning Part One”, dont la narration tourne autour d’une intelligence artificielle imaginée pour aider les Etats-Unis à se préparer au “chaos climatique”. Enfin, le film “Nyad”, sorti sous le titre “Insubmersible” en France, passe lui aussi le test haut la main en mettant en scène l’impact du réchauffement du climat et des océans sur la biodiversité. “Il s’agit d’une démonstration claire que la reconnaissance de la crise climatique à l’écran peut se faire de manière divertissante et artistique”, estime Anna Jane Joyner, fondatrice de Good Energy, dans une interview à Variety.
Avec le Climate reality check, Good Energy espère établir une évaluation de référence à la mesure de son modèle, le test de Bechdel-Wallace, créé dans les années 80 par l’autrice de BD Alison Bechdel. Utilisé dans le monde entier afin de déterminer l’inclusion des femmes à l’écran, ce dernier est toujours d’actualité. Et pour cause, qu’il s’agisse d’enjeux sociaux ou environnementaux, la représentation est l’un des outils essentiels de l’appel à l’action du public. Dans une étude publiée en 2022, l’Ademe et l’ONG Place to B estimaient ainsi que 65% des spectateurs reconnaissent “les bénéfices de la fiction pour sensibiliser, mais aussi pour se mobiliser en faveur de l’environnement”.