Publié le 12 septembre 2025

Placée en redressement judiciaire, l’enseigne Naf Naf a été reprise cet été par le groupe Beaumanoir, déjà propriétaire de La Halle, Morgan ou encore Sarenza. En rachetant des marques en difficulté à moindre coût, le géant breton tisse sa toile dans un secteur textile en crise. Une stratégie efficace économiquement, mais qui laisse souvent sur le bord du chemin des centaines de salariés.

La nouvelle est tombée au cœur de l’été. Placée en redressement judiciaire, l’enseigne de prêt-à-porter Naf Naf sera finalement reprise par le groupe Beaumanoir. Le 7 août dernier, le tribunal de Bobigny s’est prononcé en faveur de l’offre formulée par ce spécialiste de l’habillement, offrant un nouveau sursis à Naf Naf, qui a connu une succession de propriétaires et de plans sociaux au cours des dix dernières années.

Avec ce rachat, Beaumanoir s’engage à reprendre la moitié des effectifs, soit 300 salariés sur 600, et conservera douze boutiques qui seront exploitées sous ses propres marques. Les 90 magasins restants fermeront définitivement leurs portes. S’il est peu connu du grand public, Beaumanoir n’en est cependant pas à son premier coup. A peine deux mois plus tôt, le groupe breton s’était positionné sur le rachat d’une autre enseigne emblématique des années 90, Jennyfer. Grâce à un consortium mené avec Celio, il devrait permettre de préserver un tiers des mille emplois de l’entreprise.

Multiplication des rachats

L’objectif de l’opération est clair : relancer Jennyfer et s’adresser au passage à une jeune clientèle, “complémentaire des cibles actuelles” du groupe. “Depuis dix ans, (…) les tentatives de repositionnement de la marque ont malheureusement échoué, entraînant des pertes, affirme dans un communiqué Roland Beaumanoir, président de l’entreprise. Je suis convaincu que seules les reprises par des groupes solides comme Beaumanoir, offrant un écosystème cohérent et des ressources adéquates, réussissent”.

La Halle, Morgan, Caroll, Bonobo, Sarenza ou encore Quiksilver… En quelques années, Beaumanoir a en effet bâti un petit empire du prêt-à-porter en multipliant les rachats. Il possède aujourd’hui sept marques distribuées dans 2 000 points de vente et emploie 13 000 salariés, dont 7 200 en France. Une situation à contre-courant des difficultés rencontrées par de nombreuses enseignes du milieu de gamme. Malgré la baisse du pouvoir d’achat, la concurrence des géants de l’ultra fast-fashion et l’évolution des habitudes de consommation, le groupe breton semble se tenir loin de la crise qui secoue le secteur textile.

Alors, comment expliquer cette résilience ? “Reprendre des marques qui se trouvent en redressement judiciaire permet de les racheter moins cher et de se débarrasser de leur passif financier. Cela crée des opportunités”, note Jérôme Monange, expert en retail et marketing au sein du Lab luxury an retail, interrogé par Novethic. Acquérir de nouvelles enseignes permet également à Beaumanoir d’accroître son volume d’achats, et par la même occasion ses marges, tout en élargissant sa clientèle. “L’un des piliers du succès de Beaumanoir est sa capacité à segmenter finement le marché et à cibler une clientèle large à travers une offre et des marques adaptées”, avance Jérôme Drianno, directeur général du groupe.

Lourd impact social

Pour cela, Beaumanoir a adapté sa stratégie de distribution. “L’un de ses secrets, c’est de s’être implanté proche de sa clientèle, dans des petites villes ou dans certaines périphéries. Il s’agit d’un groupe provincial dans le sens où il a su aller où d’autres n’iraient pas”, observe Jérôme Monange. Le groupe n’a pour autant pas négligé le volet e-commerce, notamment grâce à la reprise de la plateforme Sarenza en 2022, lui permettant de rester pertinent face à la montée en puissance des pure player. Dernier atout, et non des moindres, Beaumanoir dispose d’une chaîne logistique intégrée, bénéficiant à l’ensemble de ses marques, souligne Jérôme Monange.

Et ça fonctionne. Après avoir repris La Halle en 2020, le groupe a permis à l’enseigne de dépasser les 550 millions d’euros de chiffre d’affaires trois ans plus tard et de “renouer avec les bénéfices”, selon les mots de son dirigeant. Plus globalement, Beaumanoir a déclaré en 2024 un volume d’affaires de 3 milliards d’euros. Un succès quelque peu assombri par le lourd impact social des reprises à moindre coût menées par l’entreprise.

“Nous ne sautons pas de joie puisque nous allons clairement vers une casse sociale. Énormément de salariés vont, quoi qu’il en soit, perdre leur emploi aujourd’hui”, déclarait ainsi Aurélie Flisar, secrétaire générale adjointe de la CFDT Services, à l’Humanité, au lendemain de l’annonce du rachat de Naf Naf. Selon le syndicat, seulement dix salariés de l’enseigne auraient accepté un reclassement sur 253 postes proposés. “Le signe d’une prise de conscience collective, explique la CFDT. L’habillement, tel qu’il est aujourd’hui, n’offre plus de perspectives viables et stables”.

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