C’est une décision inédite dans la lutte contre le trafic illégal de bois. Une scierie française, Pierre Robert, vient d’être condamnée par la cour d’appel de Bourges pour avoir importé du Brésil du bois produit illégalement, par négligence dans la maîtrise de sa chaîne d’approvisionnement.
Greenpeace France, Canopée et France Nature Environnement avaient déposé une plainte en France en 2019, en s’appuyant notamment sur la réglementation européenne sur le bois (RBUE). Ce règlement interdit en effet la mise sur le marché de bois issus de collecte ou de trafic illégal, afin de lutter contre la déforestation notamment. L’entreprise a été condamnée en première instance et la cour d’appel vient de confirmer ce jugement, signe que la jurisprudence prend de mieux en mieux en compte les enjeux liés à la déforestation importée.
Lutter contre le trafic illégal de bois
La plainte reproche à la scierie Pierre Robert d’avoir importé, en septembre 2017, sur le marché européen, du bois exotique provenant du Brésil, sans vérifier correctement sa provenance. L’enquête menée par Greenpeace Brésil, l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables, et le laboratoire de sylviculture de Sao Paulo, avait en effet montré que ce bois provenait de concessions illégales contribuant à la déforestation localement, malgré des documents de certifications officiels falsifiés. Le tribunal a considéré que l’entreprise a manqué à ses obligations d’effectuer des vérifications plus poussées sur la provenance du bois qu’elle importait et était donc responsable. Contactée par Novethic, l’entreprise Pierre Robert n’a pas répondu à nos sollicitations.
De leur côté, les associations ont salué dans un communiqué “une décision historique qui renforce la lutte contre la déforestation et le commerce illégal de bois”. Selon Pia Savart, juriste chez France Nature Environnement, la décision de la cour d’appel crée un précédent juridique “qui permettra de rendre plus lisible la réglementation européenne sur le bois”. En réaffirmant la responsabilité des entreprises donneuses d’ordre en matière de diligence raisonnable, la jurisprudence devrait ainsi permettre de mieux lutter en France contre les trafics illégaux qui ont lieu dans les pays producteurs de bois exotiques.
L’importance de la traçabilité dans les chaînes d’approvisionnement
La décision du juge montre également l’importance pour les entreprises du secteur forestier de maîtriser la traçabilité de leurs chaînes d’approvisionnement et de renforcer leurs plans de vigilance chez leurs fournisseurs. De plus en plus pointées du doigt pour leur contribution à l’exploitation parfois illégale des ressources naturelles dans les pays en développement, les entreprises européennes doivent aujourd’hui plus que jamais être attentives à la conformité de leurs stratégies d’achats. “C’est un message fort pour les entreprises qui importent des produits dont la production participe à la déforestation : la négligence dans les chaînes d’approvisionnement n’est pas acceptée”, a ainsi commenté Apolline Cagnat, responsable juridique chez Greenpeace France.
Depuis quelques années, l’Europe s’est ainsi dotée d’un arsenal juridique de plus en plus fort en matière de responsabilité des entreprises sur leur chaîne de valeur. Outre le RDUE, l’Europe a adopté un règlement sur la déforestation importée, qui renforce encore les obligations de traçabilité sur la filière bois. Avec la directive européenne sur le devoir de vigilance, qui instaure pour les entreprises une obligation de s’assurer du respect des droits humains et environnementaux tout au long de leur chaîne d’approvisionnement, c’est toute la responsabilité élargie des entreprises qui s’est renforcée. Et pour l’heure, la majorité des grandes entreprises restent très en retard sur ce sujet, comme le montrait récemment une étude du Carbon Disclosure Project. Sans une mise en conformité rapide, les condamnations de ce type pourraient donc devenir de plus en plus fréquentes.
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Droit de réponse de la société Pierre Robert
Communiqué des Ets Pierre ROBERT et Cie en réponse à l’article de Clément Fournier paru le 9 juillet 2024 sur le site internet https://www.novethic.fr/
La société Ets Pierre ROBERT et Cie avait été condamnée en 1*° instance en septembre 2023 par le tribunal correctionnel de Châteauroux pour ne pas avoir mis en œuvre toutes les vérifications nécessaires avant d’importer en septembre 2017, un lot de bois transformés (lames de terrasse) d’une vingtaine de m3 en provenance du Brésil.
Ce premier jugement était intervenu au terme d’une procédure initiée par une plainte de Greenpeace. Dans sa plainte, Greenpeace accusait la société Ets Pierre ROBERT et Cie d’avoir importé pour les transformer dans sa scierie d’Ardentes, des grumes issues d’une parcelle dont l’exploitation aurait présenté des irrégularités d’inventaires. Or, dans la réalité des faits, il n’y a jamais eu d’importation de grumes de bois en provenance du Brésil, et par la force des choses, ni Greenpeace, ni l’enquête menée par les agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB} n’ont été en mesure d’apporter un seul élément matériel allant dans ce sens.
Le tribunal correctionnel de Châteauroux avait malgré tout condamné la société Ets Pierre Robert et Cie, estimant qu’elle n’avait pas respecté scrupuleusement toutes ses obligations légales pour l’importation d’un lot de bois transformé.
Très engagée en faveur d’une exploitation durable et responsable de la ressource bois, la société Ets Pierre ROBERT et Cie a adopté très tôt des procédures de contrôle de l’origine des bois importés. Et conformément au Règlement sur le Bois de l’Union Européenne (RBUE) qui en fait l’obligation aux entreprises importatrices de bois, nos procédures sont inscrites depuis 2013 dans notre Système de Diligence Raisonnée.
La conformité au RBUE et l’application de ce Système de Diligence Raisonnée est auditée au moins une fois tous les deux ans, soit par des audits externes de cabinets de contrôle indépendants, soit par la Direction Régionale de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt (DRAAF). Les audits effectués depuis l’obligation de mise en œuvre d’un Système de Diligence Raisonnée pour l’importation des bois tropicaux ont tous conclu à la parfaite adéquation de notre Système de Diligence Raisonnée avec les règles légales fixées par le RBUE, et à sa complète application par l’entreprise. Les procédures appliquées par notre entreprise et les rapports d’audit garantissent à nos clients la parfaite légalité des bois que nous leur proposons.
C’est en s’appuyant sur ce Système de Diligence Raisonnée lors de sa défense devant la Cour d’Appel de Bourges que la société Ets Pierre ROBERT et Cie a fait, sans équivoque possible, la démonstration qu’elle avait strictement respecté toutes ses obligations légales pour l’importation de ce lot. A l’appui de sa démonstration, elle a produit les documents officiels des administrations brésiliennes compétentes, incontestables et seuls recevables au regard du RBUE, et qui prouvent la complète légalité des opérations ayant permis la production et l’exportation des lames de terrasses achetées. Et plus encore, La société Ets Pierre ROBERT et Cie s’est également appuyée sur un rapport du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et de la Forêt (MAAF) qui, dans le cadre de l’enquête ayant conduit à l’affaire, a contrôlé spécifiquement l’achat du lot de bois concerné. En conclusion de ce contrôle, te MAAF a établi dans son rapport que nous avions bien respecté toutes nos obligations légales pour cet achat.
Nous restons donc dans une incompréhension totale devant cette décision: d’un côté les administrations compétentes, DRAAF et MAAF spécifiquement pour le lot concerné, ont validé notre conformité au RBUE et les procédures que nous avons mises en place au sein de notre entreprise, et d’un autre côté les juridictions répressives nous condamnent à la suite d’une plainte dont l’objet (importation de grumes) était erroné, ce qui a été démontré et admis pendant l’audience,
Les accusations outrancières et inexactes de la plainte à l’origine de cette procédure, hélas trop souvent relayées sans grand discernement dans la presse, ont marqué durablement notre entreprise, et ont été, pendant ces trois années d’une procédure incompréhensible pour nous, particulièrement difficiles à vivre au regard de notre implication quotidienne à respecter le RBUE et notre Système de Diligence Raisonnée.
Nous pensons que la vérité dans ce dossier n’a absolument pas été faite et c’est pourquoi, nous avons pris la décision de former un pourvoi en cassation.
Bertrand Robert
Président des Etablissements Pierre Robert et Cie.
Mise à jour le 17 juillet