Une nouvelle vague de dérégulation est lancée au niveau européen, cette fois dans l’industrie chimique. Après les propositions de législation omnibus visant à “simplifier” les règles de durabilité pour les entreprises, ce sont désormais les réglementations sur les produits toxiques qui sont sur la sellette. Ce 8 juillet, la Commission européenne a ainsi dévoilé un sixième projet d’omnibus visant cette fois les industries chimiques. Objectif : relancer l’industrie chimique, qui décline en Europe sous l’effet de la concurrence chinoise et américaine.
Annoncé notamment par Stéphane Séjourné, Commissaire européen à l’industrie, ce nouvel omnibus prévoit notamment une série de réformes transversales qui doivent permettre aux acteurs du secteur de bénéficier de facilités administratives et réglementaires. Il s’agit notamment d’assouplir les normes d’usage de certains produits controversés dans plusieurs secteurs économiques. “Le plan d’action d’aujourd’hui sur les produits chimiques est notre plan d’affaires pour assurer l’avenir de ce secteur critique en Europe” a ainsi expliqué le Commissaire européen.
“Simplifier les règles sur les produits chimiques dangereux”
La Commission européenne entend notamment “réduire les coûts de mise en conformité et la charge administrative pour l’industrie chimique”, “simplifier les règles d’étiquetage des produits chimiques dangereux”, et “clarifier la réglementation” dans les secteurs des cosmétiques et des engrais. L’implantation de sites de production de produits chimiques sera ainsi facilité, et une liste de “molécules critiques” (des produits chimiques jugés stratégiques pour l’industrie européenne) sera établie pour permettre aux industriels de bénéficier de procédures accélérées et facilitées. Certains secteurs devraient aussi voir leurs obligations en matière sanitaire réduites : par exemple, les entreprises cosmétiques employant des produits dangereux n’auront plus à prouver leur conformité aux exigences de sécurité sanitaire alimentaire pour obtenir une dérogation. La Commission considère en effet que si une substance a été identifiée comme cancérigène, mutagène ou toxique en cas d’inhalation ou d’ingestion, cela ne doit pas empêcher son usage dans un produit cosmétique utilisé sur la peau par exemple. Des mesures qui risquent “de compromettre les protections essentielles qui protègent la santé publique, les consommateurs et les écosystèmes”, selon une dizaine d’associations de protection de la santé et de l’environnement (ClientEarth, Générations Futures, Health and Environment Alliance…), qui ont réagi mercredi.
Parallèlement à ce plan d’action pour l’industrie chimique, la Commission a également dévoilé en juin des mesures sur la chimie dans le secteur de la défense. Le plan pour “accélérer les investissements dans la défense” devrait en effet mener à un allègement des normes en matière d’usage de produits toxiques pour les industriels du secteur. Le paquet de réforme mis sur la table par la Commission ambitionne en effet de “veiller à ce que la réglementation sur les produits chimiques s’accomode aux besoins de la défense”. Traduction : il s’agira de modifier le règlement Reach (règlement concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques) en créant notamment un régime d’exemption pour les industriels de l’armement et des technologies du secteur de la défense pour l’usage de certains produits controversés.
Exemptions pour les industriels de la défense
Concrètement, la proposition de la Commission prévoit que les Etats membres de l’Union européenne pourront désormais exempter les industriels de leurs obligations de déclaration, de demande d’autorisation ou de partage de données pour l’usage de substances toxiques lorsque celles-ci sont utilisées pour produire des armes, des munitions, des technologies de défenses ou des produits participant à des opérations militaires classifiées. Chaque pays pourra ainsi établir son propre cadre réglementaire plus flexible, cadre qui sera couplé au développement d’un “régime d’autorisation accéléré pour les projets liés à la défense”, permettant aux industriels de secteur d’obtenir des autorisations d’installation pour leurs usines en moins de 60 jours, sans passer par les procédures habituelles d’évaluation sociale et environnementale.
Ces mesures étaient réclamées depuis des mois par les acteurs du secteur, qui ont intensifié leur lobbying depuis le début de la guerre en Ukraine pour faciliter l’installation de projets industriels de défense en Europe. Si les propositions de la Commission doivent encore être débattues par le Parlement et le Conseil, elles inquiètent déjà certaines forces politiques, qui y voient un possible affaiblissement de la sécurité sanitaire et écologique du continent. “Nous devons veiller à ne pas sacrifier une priorité au profit d’une autre. La rationalisation est importante, mais elle ne doit pas se faire au détriment de la durabilité, de la transparence ou du contrôle démocratique”, explique ainsi Mounir Satouri, eurodéputé écologiste français et membre de la commission des affaires étrangères.