Publié le 29 août 2025

Les annonces de licenciements s’enchaînent dans le secteur du jeu vidéo. Parmi les dernières en date, Microsoft a créé le choc en supprimant plus de 600 postes au sein de ses studios début juillet. Une illustration de plus de la crise dans lequel le secteur semble s’enfoncer face à un ralentissement de la demande et une explosion des coûts.

L’été n’aura pas été synonyme de repos pour les salariés de l’industrie du jeu vidéo. Depuis le début de la saison, des licenciements ont été annoncés dans plus d’une vingtaine d’entreprises du secteur selon le site Gaming layoffs. A l’origine de ces mauvaises nouvelles, des éditeurs indépendants comme Don’t Nod, mais aussi de grands groupes internationaux à l’instar de Microsoft. Le 2 juillet, le géant de la tech a en effet dévoilé la suppression prochaine de 9 000 postes, dont plus de 600 dans 11 des 29 studios de jeux vidéo lui appartenant.

Parmi les filiales concernées, King, développeur de l’application Candy Crush Saga, Blizzard Entertainment, à la tête de la franchise Diablo, ou encore Zenimax Online Studios, responsable du jeu de rôle The Elder Scrolls, subiront plusieurs centaines de départs forcés. Un autre studio, The Initiative, devra même fermer ses portes dès cette année alors qu’il travaillait sur un nouvel épisode de la série Perfect Dark. Pour justifier sa décision, Microsoft explique à l’AFP “procéder à des changements organisationnels nécessaires au positionnement favorable de l’entreprise (…) dans un contexte de marché en évolution”.

Ralentissement post-covid

Et il n’est pas le seul à souhaiter réduire ses effectifs. Quelques jours plus tard, Virtuos, sous-traitant opérant pour le compte de grands studios, a annoncé se séparer de 270 salariés en Europe et en Asie. Dans un communiqué publié le 17 juillet dernier, l’entreprise évoque de son côté “une baisse de l’activité et un ralentissement de la demande en raison de changements structurels dans l’industrie”. Derrière ces projets de licenciement : l’échec de certaines licences, mais aussi un effet post-crise sanitaire.

Boosté par les confinements successifs, le marché des jeux vidéo a en effet connu en 2020 une véritable explosion de la demande, accompagnée d’une hausse des investissements. Au niveau mondial, l’industrie a enregistré une croissance de 13% par an entre 2017 et 2021, faisant passer ses revenus de 131 à 211 milliards de dollars selon un rapport du Boston Consulting Group (BCG). “Cependant, cette croissance connaît un ralentissement post-covid depuis 2022”, à hauteur de 1% par an seulement, note le cabinet.

Les experts pointent une augmentation des coûts de développement notamment liée à l’inflation, un tarissement des financements, ainsi qu’une saturation du marché entraînée par une multiplication des projets. La France, qui compte un millier d’entreprises dans le secteur, n’est d’ailleurs pas épargnée par ces difficultés. Dans son dernier baromètre, le Syndicat national des jeux vidéo (SNJV) souligne “une hausse de près de 10 points des entreprises qui se déclarent en déficit” entre 2022 et 2024, soit “désormais une entreprise sur trois”.

37 000 suppressions de postes

Résultat, les licenciements se multiplient depuis près de trois ans. Au total, plus de 37 000 licenciements ont été répertoriés dans le monde, dont près de 4 000 en 2025. Une hécatombe sociale dont les salariées sont les premières victimes. Leur part a atteint 20% des effectifs des studios français sur l’année 2024, soit quatre points de moins qu’en 2022. “Les femmes sont très présentes dans les métiers artistiques. Or, cette catégorie est souvent employée en CDD ou en freelance et a tendance à servir de variable d’ajustement en période de crise”, affirme Marie-Lou Dulac, présidente de l’association Women in Games, auprès des Echos.

Afin de surmonter ces turbulences, les mouvements sociaux au sein de la filière se renforcent. La première grève générale du secteur s’est ainsi tenue en février dernier à l’appel du Syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo (STJV). “On reprend une croissance normale par rapport à 2019, estimait alors un gréviste au micro de France Inter. Prétendre qu’il y a une crise à laquelle le licenciement est la solution, c’est fallacieux. C’est pas que les entreprises ne sont pas profitables, c’est qu’elles ne sont pas assez profitables à court terme pour les actionnaires”.

Aux Etats-Unis, le premier syndicat couvrant l’ensemble du secteur, le United Videogame Workers, a également vu le jour en mars 2025. Parmi ses principales revendications, l’amélioration et la garantie des droits des salariés licenciés, mais aussi l’instauration de stratégies permettant une croissance sur le long terme ou encore l’implication des équipes quant à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans leurs processus de travail. Un enjeu majeur qui pourrait encore davantage bousculer le secteur dans les prochaines années.

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