C’est une grève telle qu’elle pourrait provoquer de grandes tensions sur la chaine d’approvisionnement mondiale du cuivre. Le 13 août, les travailleurs de la mine d’Escondida, la plus grande mine de cuivre au monde située dans le nord du Chili, ont arrêté de travailler. “Aujourd’hui, la grève légale des membres du Syndicat des travailleurs N°1 a commencé en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord avec Escondida-BHP”, a fait savoir le syndicat dans un communiqué.
Les syndicats avaient entamé un bras de fer plus tôt dans la semaine avec le géant minier BHP, qui détient 57,5% de la mine, avec Rio Tinto (30%) et le consortium japonais Jeco (12,5%). Ils réclamaient notamment que 1% des dividendes que se versent les investisseurs étrangers de la mine soient distribués aux travailleurs. BHP leur a proposé un bonus de 28 900 dollars chacun, une proposition trop basse pour les syndicats qui avaient évalué cette prime à 36 000 dollars. Dans son communiqué, le syndicat a estimé que “les demandes fondamentales des travailleurs”, parmi lesquelles le respect des temps de repos, “n’ont pas été prises en compte par l’entreprise”.
BHP a pour sa part affirmé qu’il “regrette” la décision des travailleurs malgré ses “efforts répétés pendant tout le processus pour présenter des propositions contenant des améliorations substantielles de l’actuelle convention collective, qui est déjà un des meilleures de l’industrie”. Contacté par Novethic, BHP n’a pour l’instant pas donné suite à nos sollicitations mais il est accusé de “pratiques anti-syndicales”. Le Sindicado n°1 affirme en effet que BHP a violé les conditions de grève en remplaçant les travailleurs grèvistes.
Une filière minière qui pèse 15% du PIB chilien
Pour BHP, la situation est tendue. Le Syndicat n°1 est particulièrement puissant. Il regroupe 61% des 2400 membres d’Escondida mais surtout 98% des travailleurs de la première ligne, ceux chargés de maintenir la production (agents de maintenance, opérateurs, conducteurs, etc). “Le syndicat d’Escondida a une tradition de négociations difficiles, sans crainte de faire grève pour atteindre ses objectifs”, a déclaré à Reuters Andres Gonzalez, directeur du cabinet de conseil Plusmining à Santiago. Et il peut tenir longtemps : le syndicat dispose de fonds quatre fois plus élevés que “celui de la grève de 2017”, ce qui permettra de financer les besoins de base des travailleurs et de leurs familles “pendant une période très longue”.
En 2017, les travailleurs d’Escondida avaient observé une grève de 44 jours, la plus longue de l’histoire minière chilienne. Le mouvement avait provoqué 740 millions de dollars de pertes et entraîné une contraction de 1,3% du produit intérieur brut (PIB) du Chili cette année-là. Car la filière minière est particulièrement importante au Chili, elle génère 10 à 15% du PIB national. Le cuivre et le lithium – dont le Chili est le deuxième producteur mondial – sont des métaux essentiels à la fabrication des batteries des voitures électriques nécessaires à la transition énergétique pour lutter contre le changement climatique. La demande est particulièrement forte dans un contexte de hausse mondiale des prix du cuivre.
D’autres mines bientôt en grève ?
Selon une estimation de Goldman Sachs une grève de 10 jours pourrait ainsi impacter de plus de 250 millions de dollars les bénéfices de BHP. Si elle durait 44 jours, comme en 2017, le montait s’élèverait à 795 millions de dollars. Or cette grève pourrait s’étendre à d’autres mines. La veille, lundi 12 août ce sont les travailleurs de la mine de Caserones, exploitée par Lundi Mining qui ont entamé une grève.
Le secteur minier est donc confronté à un double risque : le risque social, avec des grèves longues et aux impacts économiques lourds, et un risque environnemental de plus en plus réel. En février 2023 par exemple, le Chili avait renoncé à un projet minier de cuivre et de fer trop gourmand en eau alors que le pays subit une sécheresse chronique depuis une dizaine d’années.