Pour la première fois, la part de plastique recyclé a dépassé le seuil des 10% de la production mondiale de polymères en 2024, selon les dernières données dévoilées par Plastics Europe, l’association européenne des producteurs de résines plastiques. Mais derrière cette donnée encourageante, se cache la montée en puissance de l’Asie sur le terrain de la circularité. “À elle seule, la Chine a produit 13,4 millions de tonnes de plastiques circulaires en 2024, soit près du double du volume européen”, détaille l’organisme dans un communiqué. Tandis que l’Europe a fourni l’année dernière environ 19% des plastiques recyclés au niveau mondial, un niveau stable par rapport à 2023, l’Empire du milieu en a produit plus de 30%, pour un volume en hausse de 42%.
“Face à la tendance générale à aller vers une économie circulaire, les producteurs chinois ont vu l’opportunité de développer le recyclage pour leurs propres besoins, mais aussi pour pouvoir capter des marchés à l’export”, explique à Novethic Jean-Yves Daclin, directeur général de Plastics Europe pour la France. Depuis le 1er janvier 2025, l’Union européenne a en effet instauré l’obligation d’incorporer 25% de PET recyclé dans toutes les bouteilles de boissons en plastique. “C’est un cadre réglementaire unique au monde, observe Sophie Sicard, vice-Président de la filière plastiques de Federec. Mais là où l’UE a un peu loupé le coche, c’est que ces obligations ne sont pas réservées qu’aux plastiques recyclés européens”.
Concurrence avec le plastique vierge
Le Vieux continent se retrouve ainsi en concurrence frontale avec des pays tiers comme la Chine, dont le coût du PET recyclé serait environ 30% inférieur à son équivalent européen. En outre, plusieurs problèmes se posent, à commencer par la traçabilité de ces matières. D’une part, les contrôles sur la nature recyclée ou non des plastiques importés sont encore inexistants. D’autre part, “il n’existe pas aujourd’hui de code douanier permettant de différencier les plastiques vierges et recyclés, indique Sophie Sicard. On ne sait donc pas mesurer les volumes qui rentrent en Europe.”
Car la Chine accélère également sur la production de polymères vierges, avec 148,7 millions de tonnes en 2024, soit une augmentation de 8% en un an. “Pendant des décennies, elle a importé du plastique depuis le Moyen-Orient, l’Europe et les Etats-Unis. Mais depuis une dizaine d’années, la Chine a investi massivement pour fabriquer sa propre matière”, rapporte Jean-Yves Daclin. Résultat, le pays inonde le monde de matières plastiques primaires à des tarifs extrêmement faibles. “Cela rend le recyclé moins attractif pour les industriels. Les marchés sur lesquels il avait sa place il y a quelques années voient la demande se tarir car le prix du vierge est trop bas”, note Sophie Sicard.
Fermetures d’usines de recyclage
Et les impacts de ces nouvelles dynamiques commencent d’ores et déjà à se faire ressentir. “Entre 2017 et 2023, on a doublé la capacité européenne de recyclage plastique, mais l’industrie est aujourd’hui en train de décroitre. On a perdu entre 2023 et 2025 l’équivalent de 8% de la capacité de production par des fermetures d’usines”, affirme Sophie Sicard. En quelques mois, quatre sites de recyclage mécanique ont ainsi mis la clé sous la porte dans l’Hexagone. Deux projets de recyclage chimique ont également été abandonnés et deux autres accumulent les retards, dont l’immense site d’Eastman en Normandie qui soulève par ailleurs les interrogations des associations environnementales.
“On a repoussé le début des travaux de construction, car nous sommes dans l’attente de trois principales réglementations européennes, pour 2025 et 2026, qui vont encadrer le recyclage des plastiques”, justifie Eric Dehouck, directeur général France d’Eastman auprès de nos confrères d’Ouest France. La filière compte en effet sur le cadre imposé par l’UE pour limiter la concurrence asiatique. “Il y a des incertitudes sur la manière dont le règlement sur les emballages (ou PPWR – législation qui vise à harmoniser la gestion des emballages et le traitement des déchets liés, ndr) va s’appliquer. Aujourd’hui, on est dans le flou. Sera-t-il par exemple possible ou non de respecter ces obligations en utilisant du recyclé chinois ?”, interroge Jean-Yves Daclin. L’adoption de clauses miroirs pourrait notamment freiner les importations depuis la Chine. Mais reste à définir sur quels critères ces dernières s’appuieront et quels moyens de contrôle seront mis en place afin d’assurer l’efficacité de la disposition.