Publié le 07 février 2023
ENVIRONNEMENT
Le Chili renonce à un projet minier pour des raisons environnementales
Les feux de forêts au Chili ont déjà fait au moins 24 morts et plus de 1 200 blessés. Le pays, en proie à une sécheresse chronique depuis une dizaine d'années, subit déjà les impacts du changement climatique. Pour y faire face, le gouvernement vient de décider d'interdire l'ouverture d'une nouvelle mine de cuivre et de fer, qui menaçait une réserve naturelle, et place la lutte contre le changement climatique au centre de son action. Mais le cuivre, dont le Chili est l'un des principaux fournisseurs, est essentiel à la transition énergétique.

@CC0
C’est une décision suffisamment rare pour être soulignée. Mi-janvier, le gouvernement chilien a rejeté en Conseil des ministres le projet minier de Dominga en raison de son impact environnemental. Très controversé, il devait permettre d’extraire 12 millions de tonnes de fer et 150 000 tonnes de cuivre par an. Il prévoyait aussi la construction d’un port et d’une usine de dessalement.
Mais la mine devait se situer dans une réserve naturelle unique au monde, dans le nord du pays et à proximité de l'archipel de Humboldt, où vit 80% de cette espèce de manchots. "Grâce au potentiel de l'archipel de Humboldt et à sa riche biodiversité, l'écotourisme et le tourisme expérientiel sont devenus aujourd'hui l'une de nos principales sources de travail", explique l’un des habitants de la zone au media DW.
"La protection de l'environnement est une condition du développement"
La société Andes Iron a annoncé qu'elle ferait appel de la décision devant les tribunaux. Ceux qui défendent le projet assurent que Dominga apportera croissance et développement économique à l’une des communes les plus pauvres du Chili. Le pays tire la majorité de ses revenus de l'industrie minière, le Chili étant le premier pays producteur de cuivre au monde.
"La protection de l'environnement n'est pas un obstacle au développement, mais plutôt une condition du développement", a déclaré le ministre de l’économie chilien, cité dans Forbes Chile. "Nous voulons dire très clairement à ceux qui sont de la région (...) qu'ils ne sont pas seuls, que nous, en tant que gouvernement, allons les soutenir."
Le projet faisait par ailleurs l’objet de soupçons de corruption impliquant l’ancien président chilien Sebastian Piñera. Selon les "Pandora Papers", il aurait vendu le projet Dominga à un de ses amis en transitant par le paradis fiscal des îles Vierges britanniques et fermé les yeux sur l’obligation de mettre en place une zone de protection environnementale.
L'un des chefs de file en matière d'action climatique
Le pays est en ce moment en proie à d'importants feux, alors que les températures dépassent les 40 degrés. Ils ont détruit en cinq jours 270 000 hectares. A titre de comparaison, les feux de forêt l'été dernier en France avaient brûlé environ 66 000 hectares. Le dernier bilan fait état de 24 morts et plus de 1 200 blessés. Un millier de maisons ont également été détruites.
Depuis plus de cinq jours, le Chili fait face à des #incendies dévastateurs. Une situation favorisée par la #sécheresse historique que traverse le pays depuis plusieurs années pic.twitter.com/wXsNZpNJze
— Novethic (@Novethic) February 7, 2023
Le Chili est particulièrement vulnérable aux impacts du changement climatique et subit une sécheresse chronique depuis une dizaine d'années l'obligeant à prendre des mesures de rationnement de l'eau. Selon un classement établi en 2022 par l'entreprise américaine Uswitch, il se classe dans le top 10 pays ayant subi le plus de pertes économiques liées au changement climatique avec un montant de 82 milliards de dollars sur la période 1902-2021. Et c'est aussi l'un des pays qui pourrait souffrir le plus de la sécheresse d'ici 2040, selon le WRI, avec le Bostwana et la Namibie.
La décision d'interdire un nouveau projet minier, extrêmement gourmand en eau, dans le pays apparaît donc assez logique et s'inscrit pleinement dans l'agenda du nouveau président Gabriel Boric, qui a placé le changement climatique en tête de ses priorités et qui a nommé une climatologue autrice du Giec à la tête du ministère de l'Environnement. Mais c'est aussi une alerte pour la transition énergétique car le cuivre est un matériau indispensable à l'électrification. On estime que la demande devrait doubler d'ici 2035, passant de 25 millions de tonnes actuellement à environ 50 millions de tonnes d'ici 2035. Quels pays vont continuer à le produire et à accepter d'en assumer les conséquences néfastes localement ?
Concepcion Alvarez @conce1