Publié le 20 octobre 2025

BNP Paribas vacille à Wall Street. Reconnu complice de violences au Soudan par un jury populaire à New York, le géant bancaire français voit son action plonger en Bourse, tandis qu’une “class action” regroupant plus de 20 000 victimes menace de transformer l’affaire en jurisprudence majeure sur la responsabilité des banques dans les violations des droits humains.

 

Ce lundi 20 octobre, l’action de BNP Paribas plongeait brutalement en Bourse, cédant jusqu’à 10% en matinée avant de limiter ses pertes à -8,43 % en milieu de journée. En toile de fond, un verdict sans précédent rendu par un jury populaire de New York, reconnaissant la banque française complice des exactions commises au Soudan sous le régime d’Omar el-Béchir dans les années 1990 et 2000.

Concrètement, le jury a estimé que BNP Paribas avait facilité les agissements du régime soudanais en organisant des transactions financières ayant permis de financer militairement les forces d’Omar el-Béchir. Le jugement porte actuellement sur trois plaignants, tous réfugiés et aujourd’hui citoyens américains qui témoignent avoir été violés, torturés, emprisonnés, par des soldats soudanais et des miliciens. Les trois plaignants ont obtenu 20,75 millions de dollars de dommages et intérêts pour les préjudices subis.

Un risque financier important

Mais ces cas ne sont que la partie émergée d’un litige beaucoup plus large : une class action regroupant près de 23 000 plaignants est en cours. À titre de comparaison, si le dédommagement moyen accordé par plaignant dans ce premier verdict était appliqué à l’ensemble, la facture pourrait atteindre jusqu’à 150 milliards de dollars, selon les calculs de l’analyste Elliott Stein cité par Bloomberg. Même si ce scénario reste peu probable, un accord transactionnel autour de 10 milliards de dollars semble aujourd’hui envisagé par plusieurs analystes.

Officiellement, BNP Paribas conteste vigoureusement la décision et prévoit de faire appel. “Une fois de plus, BNP Paribas réaffirme que ce résultat est manifestement erroné et ignore des éléments de preuve importants que la banque n’a pas été autorisée à présenter“, indique l’établissement dans un communiqué publié le 20 octobre. Elle rappelle également que le jugement ne concerne que trois personnes et ne devrait “pas avoir de portée plus large“. “Toute tentative d’extrapolation est nécessairement erronée, tout comme toute spéculation concernant un éventuel settlement (accord de transaction, ndr). La Banque considère qu’elle n’a aucune pression pour parvenir à un settlement dans cette affaire”, conclut-elle.

Les marchés ne semblent pourtant pas être de cet avis. Les estimations publiées par Bloomberg en capitales dans ses “headlines” ont suffi à déclencher une chute brutale de l’action, signe de la crainte croissante des investisseurs face à l’ampleur juridique et financière potentielle de l’affaire. RBC évoque un impact de 1 point de pourcentage sur le ratio de solvabilité CET1 de BNP Paribas, un indicateur clé pour la stabilité bancaire.

Un avertissement pour “les banques mondiales”

Ce nouveau procès réactive aussi le souvenir de 2014, lorsque BNP Paribas avait plaidé coupable et accepté une amende record de 8,9 milliards de dollars pour avoir violé les sanctions américaines en traitant avec des entités du Soudan, d’Iran et de Cuba. À l’époque déjà, l’affaire portait sur l’extraterritorialité du droit américain : des transactions effectuées en dollars donnaient juridiction aux tribunaux américains, même si les faits se déroulaient hors de leur territoire.

Au-delà de BNP Paribas, cette affaire pourrait bien faire jurisprudence sur la responsabilité des acteurs financiers dans des contextes de conflits ou de répression. Comme le souligne le Financial Times, ce verdict “doit servir d’avertissement pour les banques mondiales“, à l’heure où les guerres et violations du droit international se multiplient.

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