xAI. Voilà le petit nouveau de la galaxie d’Elon Musk, après Space X, Tesla, X (anciennement Twitter), Neuralink ou encore Starlink. Cette fois, le milliardaire se lance dans l’intelligence artificielle. Et forcément, il ne fait pas dans la demi-mesure. Sa société vient pour la deuxième fois en seulement six mois de lever 6 milliards de dollars, atteignant ainsi une valorisation à plus de 40 milliards de dollars. Le but d’Elon Musk est clair : lancer “l’IA la plus puissante du monde” grâce à Grok, au départ un simple assistant devenu aujourd’hui un concurrent potentiel de ChatGPT.
Pour entraîner des modèles d’intelligence artificielle comme Grok, “une forte capacité de calculs est nécessaire”, a indiqué Elon Musk sur son réseau social X. xAI veut ainsi augmenter la capacité de son supercalculateur dédié à l’IA, Colossus, en doublant le nombre de ses puces graphiques fabriquées par le leader du secteur Nvidia, passant de 100 000 à 200 000 puces. Nvidia fait d’ailleurs partie des investisseurs de ce dernier tour de table aux côtés d’AMD, autre fabricant de semi-conducteurs américain, mais aussi des sociétés de gestion Blackrock, Sequoia Capital ou encore de la banque Morgan Stanley.
Mais ce centre de données XXL, monté en seulement 122 jours, n’est pas du goût de tout le monde. Car ces supercalculateurs sont des gouffres énergétiques. Des habitants de la région de Memphis, où il a implanté son supercalculateur, et des ONG dénoncent les impacts d’une telle infrastructure concernant la qualité de l’air, l’accès à l’eau et la stabilité du réseau. “Cela perpétue l’héritage des conglomérats milliardaires qui pensent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent et que la communauté n’est pas à prendre en compte”, explique à TIME KeShaun Pearson, directeur exécutif de l’association à but non lucratif Memphis Community Against Pollution. “Ils considèrent le sud-ouest de Memphis comme un simple point d’eau où ils peuvent obtenir de l’eau à moindre coût et un endroit où déverser tous leurs déchets sans véritable surveillance ni gouvernance.”
Explosion des émissions de CO2
Pour l’instant, l’opacité règne quant à la consommation exacte de ces infrastructures mais les polémiques enflent. En septembre dernier, alors que l’Uruguay traversait sa “pire pénurie d’eau depuis 74 ans”, l’annonce de Google d’installer un data center à 30 kilomètres de la capitale Montevideo a été très mal reçue par la population. Le projet prévoyait d’utiliser 7,6 millions de litres d’eau chaque jour, selon le ministère de l’Environnement, soit l’équivalent de la consommation domestique de 55 000 personnes. De nombreuses manifestations ont éclaté, poussant Google à revoir sa copie.
La consommation d’énergie est, elle aussi, pointée du doigt. Selon l’institut Morgan Stanley, les centres de données émettront trois fois plus de CO2 d’ici la fin de la décennie en raison du développement de l’IA générative. Preuve en est : les émissions de CO2 de Microsoft ont explosé de 30% depuis 2020 en raison de l’IA, alors que le géant s’était fixé un objectif de neutralité carbone d’ici 2030. Dans cette course effrénée à l’IA, Microsoft n’est pas le seul concerné. Mark Zuckerberg, le patron de Meta, avait ainsi reconnu dans une interview que la forte consommation des produits d’IA pourrait limiter son développement.
“Des risques de désinformation et de manipulation”
L’impact environnemental n’est pas la seule ombre au tableau de xAI. Le très controversé Elon Musk, soutien public de Donald Trump, désormais à la tête d’une “commission à l’efficacité gouvernementale“, entend bien faire de Grok un anti-ChatGPT. Considérant les autres intelligences artificielles comme trop “woke”, Elon Musk se place en défenseur de la liberté d’expression. Ici, pas de modération, toutes les images, même les pires, peuvent être créées.
“Avec ses 314 milliards de paramètres, Grok génère des réponses réalistes et percutantes. Mais il puise une partie de ses données dans X, une plateforme qui reflète des biais et n’est pas modérée. Ce choix augmente considérablement les risques de désinformation et de manipulation”, avertissent dans une tribune aux Echos David Guedj et Frédéric Brajon, cofondateurs de Saegus. “Sans encadrement, l’IA peut devenir un outil de diffusion massive de fake news et d’opinions polarisantes, comme on l’a vu lors d’élections récentes. Ces dérives posent une question cruciale : où fixer les limites pour protéger la cohésion sociale ?”.
Elon Musk et l’anti-wokisme : chronique d’une gouvernance à la dérive
En attendant, Elon Musk a le champ libre. Le Global Engagement Center (GEC), bureau chargé de lutter contre la désinformation produite par les pays rivaux des Etats-Unis, comme la Chine et la Russie, très critiqué par les Républicains et surtout Elon Musk, vient d’être fermé. C’était la seule agence fédérale américaine qui traquait et contrait la désinformation. Elle a fait les frais de l’accord au Congrès ayant évité le shutdown, la paralysie budgétaire, aux Etats-Unis.
Le patron de Tesla n’entend pas s’en arrêter là. Il vient une nouvelle fois de s’en prendre à Wikipédia, qu’il accuse de véhiculer des idées progressistes et des infos erronées. Il appelle à son boycott et demande à ses 209 millions d’abonnés sur X de cesser de donner de l’argent à la fondation qui finance l’encyclopédie en ligne gratuite, 4e site le plus visité au monde.