Publié le 27 avril 2018
SOCIAL
La loi Pacte questionne l’économie sociale et solidaire sur ses fondements et ses bonnes pratiques
Depuis la fin d'année dernière, c'est un sujet qui fait couler beaucoup d'encre dans le milieu de l'économie sociale et solidaire (ESS). Le projet de loi Pacte prévoit notamment de créer un nouveau statut pour les entreprises capitalistes souhaitant allier mission sociétale et rentabilité. Le secteur de l'ESS, inquiet, y voit une possible dilution de ses valeurs et principes.

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Le projet de loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), présenté en Conseil des ministres la semaine prochaine, continue de susciter le débat au sein des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS). Celles-ci appellent à être intégrées dans le futur texte qui doit consacrer la possibilité pour les entreprises classiques de placer l’intérêt général devant le profit.
"Nous ne pouvons pas rater le train sur le futur projet de loi Pacte, explique Hugues Vidor, président de l’Udes (Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire). Le gouvernement doit indiquer dans le texte la place que doit avoir l’ESS, tout en faisant le lien avec le futur 'Social BusinESS Act', que doit prochainement présenter le Haut-commissaire à l’Economie sociale et solidaire, Christophe Itier".
Que serait l'économie sans l'ESS ?
"Il est important de conserver la distinction entre, d’une part, une PME qui va se donner une mission d’intérêt général, et, d’autre part, les entreprises de l’ESS dont le cœur de l’activité est d’avoir un impact positif sur l’environnement et la société. Il est ainsi de notre responsabilité de montrer nos spécificités. Que serait l’économie sans l’ESS ? À nous de l’expliquer", lance Hugues Sibille, président du Labo de l’ESS.
Jusqu’à présent, quand l’ESS a pris la parole sur ce dossier, c’était surtout pour adopter une position de méfiance et se placer sur la défensive. Ce qui a pu paraître peu constructif sur certains aspects. Mais cette position s'explique par le fait que les structures de l’ESS doivent faire face à de nombreuses contraintes, par exemple en termes de lucrativité limitée, afin de bénéficier d'avantages fiscaux. Or elles n’entendent pas partager ces derniers.
Incarner une véritable alternative
"La pire ennemie de l’ESS est l’ESS elle-même, réagit Laure Delair, du CJDES (Centre des jeunes, dirigeants et acteurs de l'économie sociale). Si nous nous contentons d’être simplement altruistes, nous allons vite nous faire rattraper. Il est donc primordial de communiquer sur nos différences en termes de gouvernance, de partage du pouvoir et de la valeur. L’ESS a toujours fait preuve d’une importante capacité d’innovation et a toujours su être en avance, c’est là-dessus que nous devons miser."
RSE, entreprises à missions, entreprises bienveillantes, label B-Corp, social business, de plus en plus, les lignes entre entreprises classiques et entreprises de l’ESS se brouillent. Au détriment souvent des secondes. "Axa a par exemple mis en place une plateforme pour que ses clients puissent commenter les offres du groupe. En quoi serait-ce moins bien en termes de gouvernance que ce que font les entreprises de l’ESS ? interroge Laure Delair.
"Nous devons être en mouvement perpétuel et continuer à innover et à parler d’une voix commune pour montrer la voie. Il y a beaucoup de choses à créer pour incarner une véritable alternative", ajoute-t-elle. Un sacré challenge lancé aux quelque 165 000 structures qui font aujourd'hui l’ESS en France.
Concepcion Alvarez, @conce1