Publié le 16 février 2018
ENTREPRISES RESPONSABLES
Entreprises à mission, ESUS, SOSE, fondations actionnaires… Le guide pour s'y retrouver dans les nouveaux statuts des sociétés
La loi Pacte en cours d’élaboration doit permettre de transformer l’entreprise. Elle pourrait donner lieu à la création de nouveaux statuts comme l’entreprise à mission. Le sujet suscite des débats passionnés et il est difficile de s’y retrouver dans la jungle des nouveaux termes et acronymes utilisés pour caractériser ces modèles de sociétés privées en cours d'élaboration. Novethic fait le point.

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L’entreprise à mission
Ce statut n’existe pas encore en France. Il est proposé dans le cadre du Pacte, le plan pour la croissance et la transformation des entreprises, qui doit être présenté le 18 avril en conseil des ministres. L’objectif de ce nouveau statut est de mettre la performance économique au service d’une mission sociétale.
Les contours de l'entreprise à mission sont encore à définir. L'idée est qu'elle formalise une mission sociale contribuant à l'intérêt général et l'inscrive dans son statut juridique. Cette mission doit guider les choix d’investissement et de développement et son impact devra être mesuré. Elle doit aussi être opposable à et par leurs parties prenantes si l’une d’entre elles estime que la mission n’est pas respectée. L'entreprise doit enfin s'engager à partager équitablement la valeur créée. L’objectif est donc aussi de réinventer les règles de gouvernance.
Un tel statut, optionnel, a les faveurs du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, de plusieurs syndicats comme la Cfdt et des organisations patronales comme le Medef et l’Afep. Celles-ci y voient surtout la possibilité de contourner la modification du code civil sur le statut général de la société, à laquelle elles s’opposent fortement.
Les SOSE (Société à objet social étendu)
Il s’agit d’une des formes que pourrait prendre l’entreprise à mission. Contrairement à certaines entreprises à mission européennes, les SOSE (Société à objet social étendu), peuvent choisir librement leur mission qu’elle réponde ou non à des besoins sociaux non couverts par l’Etat ou le marché. Mais elles doivent l’élaborer avec un comité de parties prenantes.
En France, ce modèle est étudié par l’école des Mines ParisTech et testé par Nutriset ou La Camif. Cette dernière a intégré sa mission dans ses statuts en 2017 grâce à un travail collaboratif de plusieurs années. En 2014, elle a monté une "Cellule’OSE" composée de plusieurs parties prenantes. Après avoir co-construit la mission (voir la vidéo), elle doit désormais définir les indicateurs permettant d’évaluer la bonne marche de l’entreprise conformément à sa mission.
Les fondations actionnaires
Cette fondation à but non-lucratif est propriétaire d’une entreprise industrielle ou commerciale. Elle possède tout ou partie des actions et la majorité des droits de vote et/ou la minorité de blocage. Il s’agit d'un "modèle économique innovant" car les rôles sont inversés, explique le cabinet Prophil. "Ce n’est plus l’entreprise qui alloue une part infime de ses bénéfices à une fondation périphérique, mais la fondation qui oriente directement ou indirectement sa stratégie, et finance, grâce aux dividendes qu’elle perçoit, des causes d’intérêt général".
Poussé dans le cadre des réflexions sur le Pacte, ce modèle existe déjà en France mais il est très peu utilisé car complexe à mettre en œuvre. Parmi les rares cas hexagonaux, on trouve les Laboratoires Pierre Fabre ou le groupe de presse La Montagne. Mais on en compte plus de 3 000 en Allemagne, en Suède et au Danemark. Parmi les grandes entreprises appartenant à ces fondations : Ikea, Carlsberg, Rolex, Bosh ou encore le constructeur automobile indien Tata.
L'agrément ESUS (entreprise solidaire à utilité sociale)
Les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) peuvent depuis la Loi Hamon de 2014, obtenir l’agrément ESUS. Certaines en bénéficient automatiquement comme les entreprises d’insertion ou les établissements d’aide par le travail.
Pour les autres, elles doivent répondre à plusieurs critères. D'abord, l'entreprise doit avoir pour objectif principal la recherche d'une utilité sociale, comme par exemple le soutien à des publics vulnérables. Ensuite, la charge induite par l'objectif d'utilité sociale doit impacter le compte de résultat de manière significative. Les rémunérations versées aux salariés et dirigeants ne doivent pas non plus excéder un certain montant. Enfin, les titres de capital de l'entreprise ne doivent pas être négociés sur un marché financier
L'objectif de l'agrément est d'identifier les structures à forte utilité sociale répondant à des besoins sociaux spécifiques, et leur permettre de bénéficier de certains dispositifs de soutien et de financement. On en compte aujourd’hui 967 en France. Une des questions en suspens est de savoir si cet agrément perdurerait dans le cas d'un statut d'entreprise à mission.
Le label B corp
Ce label américain, fait de plus en plus d’émules en France. Il est dérivé du statut Benefit Corporation apparu dans le droit américain en 2010. Les sociétés certifiées B corp agissent comme des entreprises à mission dans le sens où elles s’engagent à œuvrer au service du bien commun. La certification est accordée par l’ONG américaine B Lab qui évalue la maturité de l’entreprise à l’aide d’un questionnaire, adapté à leur taille, leur activité et leur implantation géographique.
Parmi la quarantaine d’entreprises labellisée en France, on compte Nature et Découvertes, Les 2 vaches, plusieurs cabinets de conseils et des startups. Dans le monde, plus de 2 100 B corp sont recensées dans 50 pays et 130 secteurs différents. La plus grande d’entre elles est la filiale américaine de Danone, DanoneWaves.
Le social business
Développé au début des années 2000 par des grandes entreprises comme Danone ou Veolia en France, le social business cherche à apporter une solution aux problématiques de la société et est destiné en priorité aux personnes les plus vulnérables. Il se distingue de l’entreprise à mission dans le sens où la finalité sociale de l’entreprise prime sur sa finalité lucrative et qu'il ne concerne qu'une petite partie des activités de l'entreprise. Le social business est cependant en perte de vitesse au profit de l’inclusive business, qui a le même objectif mais qui vise en parallèle une rentabilité.
Béatrice Héraud @beatriceheraud
Encadré : Quel est le lien entre les entreprises à mission et la RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) ?
Une entreprise menant une politique de RSE n’a pas de mission ou de statut particuliers. Les entreprises les plus avancées en la matière sont cependant engagées dans la réduction des impacts négatifs de leur activité et au-delà, dans la maximisation des impacts positifs qu’elles peuvent avoir sur la société, en collaboration avec leurs parties prenantes.
La RSE irrigue les réflexions actuelles sur la modification du code civil définissant l’objet des sociétés (entreprises). Il est notamment question d’intégrer la prise en compte de l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise ainsi que des conséquences économiques, sociales et environnementales de ses activités. Pour autant, le patronat, qui tient au caractère volontaire de la démarche RSE, ne souhaite pas intégrer cette dimension, qui deviendrait donc contraignante, à l’ensemble des sociétés françaises.