Difficile aujourd’hui, quand on est distributeur, de ne pas être accusé de greenwashing ou de socialwashing. Surtout quand, à longueur de publicités, la grande distribution promet aux consommateurs du "bien-être animal", "bien manger", "sans pesticide", "sans conservateur", "sans antibiotique". Mais cela ne signifie pas que des avancées concrètes sont engagées. C’est le sens de l’opération Act For food lancé en septembre 2018 par Carrefour.
Le distributeur, qui entend devenir le leader de la transition alimentaire, s’est fixé des objectifs concrets : garantir du bio 100 % français pour les produits de la marque, exclure 100 substances controversées de leurs produits, accompagner 500 agriculteurs à la conversion au bio, supprimer les traitements antibiotiques, etc. Des engagements qui permettront de renouer la confiance avec le consommateur.
Se renouveler pour survivre
"Le modèle assez uniforme des supermarchés est aujourd’hui contesté et doit profondément évoluer sous la pression de la révolution digitale, des comportements de consommation et de production", explique,
lors du Positive Investors Forum de Novethic, Laurent Vallée, secrétaire général de Carrefour,
"Nous voulons accompagner cette transformation en rendant les produits que veulent les consommateurs – de plus en plus bio, "sans" et de qualité – accessibles. Tout en travaillant sur la juste rémunération des producteurs, la réduction des emballages…".
Cette transformation est une question de survie pour les distributeurs. C’était d’ailleurs le constat qu’avait établi Alexandre Bompard, PDG du groupe, lors de l’annonce de la suppression de postes en février 2018.
"Carrefour n’a pas suffisamment évolué avec ses clients", avouait-il. Les consommateurs se détournent de plus en plus des hypermarchés, dont ils se méfient, privilégiant les drive, enseignes bio ou petits producteurs.
"Le programme Act For food est un ensemble d’actes qui ne sont pas des engagements commerciaux mais des engagements pour crédibiliser la démarche durable de Carrefour", souligne Laurent Vallée. L’enjeu est d’en finir avec la guerre des prix, qui a provoqué une réelle crise agricole, pour miser sur la qualité comme critère de différenciation et de valeur ajoutée. "Il faut qu’on réussisse l’exercice de conciliation, qu’on ne soit pas un frein pour nos clients et que ce soit performant commercialement", note le secrétaire général de Carrefour.
Carrefour s’entoure des acteurs de l’alimentation responsable
Changer l’image de la grande distribution est un travail de longue haleine. Mais Carrefour s’est bien entouré. En septembre, Alexandre Bompard a créé un
"comité d’orientation alimentaire" dans lequel siège des acteurs de l’alimentation responsable incontournable comme Lucie Bash, fondatrice de Too Good To Go ou Maxime de Rostolan, fondateur de Fermes d’Avenir. Ils sont chargés de challenger Carrefour. Mais aussi d’inspirer la grande distribution des pratiques responsables émergentes.
Myriam Bouré, cofondatrice d’Open Food France, également membre du comité, est par exemple en train de proposer un projet à Carrefour s’inspirant des supermarchés coopératifs
. "Dans ces espaces, les consommateurs ont leur mot à dire sur les produits mis en rayon. Il y a un cahier des charges. L’idée serait que Carrefour ne soit plus le seul à décider quel produit mettre en rayon", explique-t-elle. Une expérimentation, parmi d’autres, que Carrefour pourrait mettre en place pour se renouveler.
Marina Fabre, @fabre_marina et
Ludovic Dupin, @LudovicDupin