Publié le 12 juillet 2019
POLITIQUE
L'affaire François de Rugy fragilise un ministère complexe, à l'action déjà critiquée
Depuis quelques jours le ministre de la Transition écologique et solidaire est dans la tourmente. Face aux révélations de Médiapart sur ses dîners fastueux lorsqu’il était au Perchoir de l’Assemblée ou sur la rénovation coûteuse de son logement de fonction à l’hôtel de Roquelaure, le ministre est tenu de s’expliquer. S’il conserve à ce stade la confiance du gouvernement, les polémiques risquent toutefois de peser sur sa crédibilité à la tête d’un ministère complexe et particulièrement scruté ces derniers mois.

@Etienne Laurent/Pool AFP
Il reste mais la pression monte. En seulement deux jours, les révélations de Médiapart sur le train de vie de François de Rugy ont placé le ministre de la Transition écologique et solidaire dans une situation précaire. Et risquent de peser sur la crédibilité de son action au sein d’un ministère déjà réputé difficile voire "impossible" à tenir. Son poste est pourtant clé au regard de l’urgence et de la complexité des enjeux mais aussi de la montée en puissance politique de l’écologie, notamment au sein d’une jeunesse de plus en plus mobilisée.
Petit rappel des faits. Mercredi 10 juillet, le journal d’investigation révèle la tenue de luxueux et dispendieux dîners aux frais de l’Assemblée nationale lorsque François de Rugy était président du perchoir. Puis c’est sa cheffe de cabinet qui est visée : celle-ci ayant gardé pendant des années la jouissance d’un logement social dans la capitale alors qu’elle occupait des postes en province… Des révélations qui amèneront le ministre à demander le départ de sa collaboratrice selon les dires de cette dernière.
Enfin, la publication des coûteuses rénovations de son logement de fonction à l’hôtel de Roquelaure, conduira le Premier ministre à le convoquer en urgence à Matignon jeudi 11 juillet dans l’après-midi. Quelques heures plus tard, dans la soirée, une autre révélation sur la location d'un logement social à tarif préférentiel, montre que la charge n'est peut-être pas terminée...
Quelle conséquences pour le portage gouvernemental des enjeux écologiques ?
Si le ministre ne semble pour le moment n'avoir écopé que d’une remontrance (une inspection est demandée par le Premier ministre quand François de Rugy "s'engage à rembourser chaque euro contesté"), les conséquences de son maintien en poste pourraient peser bien plus fortement sur le portage gouvernemental de l’écologie. En témoigne l’accueil réservé au ministre avant sa convocation, lors de son déplacement dans les Deux Sèvres. Une cinquantaine de militants écologistes ont brandi un homard en plastique, mets devenu symbole de ses dîners à l’Assemblée, appelant à sa démission.
Si les polémiques ne sont pas directement liées à son action ministérielle, elles appuient néanmoins les critiques formulées concernant le décalage des élites avec les Français. Et ce, dans un contexte où les efforts financiers et comportementaux en matière environnementale et sociale demandés à la population ont conduit au mouvement des Gilets jaunes.
Un bilan à ce stade relativement modeste
L’affaire vient de fait appuyer le scepticisme, voire les critiques, pesant sur la cohérence gouvernementale en matière de transition écologique. Rappelons que François de Rugy avait succédé, à la hâte, et sans provoquer un réel enthousiasme, à Nicolas Hulot, après sa démission surprise et tonitruante qu’il expliquait par l’impossibilité de mener à bien son ambition au sein du gouvernement. François de Rugy était alors jugé comme l’écologiste le "plus macron-compatible".
Son bilan à la tête du ministère est cependant à ce stade relativement modeste. Les grands dossiers, sur la mobilité ou l’économie circulaire ont été portés par les secrétaires d’État, Elisabeth Borne et Brune Poirson. Quant à celui de l’énergie, avec la feuille de route énergétique française ou la suspension de la hausse de la taxe carbone, il a été tranché en haut lieu dans le contexte sensible des "Gilets jaunes".
Enfin, sa gestion du dossier climatique, revenu en haut de l'agenda à la faveur des manifestations sur le climat, de la pétition record de "l'Affaire du siècle" et du succès écologiste aux européennes, reste bien en-deçà des attentes des militants comme des experts.
Béatrice Héraud @beatriceheraud