Publié le 16 mai 2022

POLITIQUE

Élisabeth Borne, Première ministre, sera-t-elle la femme d’un second souffle ?

30 ans après Édith Cresson, c’est Élisabeth Borne qui a enfin brisé le plafond de verre de Matignon. Après trois semaines d’attente, Emmanuel Macron a décidé de remplacer Jean Castex, représentant des terroirs, par Élisabeth Borne, une femme dont il a éprouvé la loyauté puisqu’elle a été successivement ministre des Transports, de la Transition Écologique et du Travail. La tête d’affiche suffira-t-elle à féminiser la culture du gouvernement et à lui donner ce nouvel élan écologique promis par le Président réélu ?

Elisabeth borne premiere ministre LUDOVIC MARIN POOL AFP
Élisabeth Borne a été nommée Première ministre le 16 mai.
Ludovic Marin / Pool AFP

Comment "vendre" une nouvelle affiche gouvernementale quand l’attente a duré trois semaines ? Nommer une femme en espérant que l’attention médiatique retiendra que 30 ans après François Mitterrand, Emmanuel Macron a nommé une femme à Matignon et pas le fait qu’Élisabeth Borne est déjà une figure familière pour les Français puisqu’elle les a accompagnés tout au long de la crise du Covid-19 sur le volet travail. C’est elle qui a piloté la généralisation du télétravail et la rédaction des protocoles d’entreprises. Son profil est celui de la très bonne élève, pupille de la nation et produit de la méritocratie républicaine. 

En trente ans et après les campagnes Me Too on peut imaginer qu’Élisabeth Borne n’essuiera pas le dixième des attaques qui ont ciblé Édith cresson, représentée à l’époque en panthère lascive léchant les pieds du président dans le  "Bêbête Show". Elle a déjà l’image d’une "technocrate à poigne qui bosse ses dossiers, est très exigeante et estime n’avoir jamais été confrontée au sexisme". Elle appartient à cette génération de femmes qui ont fait toute leur carrière en faisant oublier qu’elles en étaient une. C’est pourquoi la composition du gouvernement et la place éventuelle de femmes plus représentatives d’engagements féministes montrera s’il s’agit ou non d’un geste permettant de féminiser en profondeur la vie politique française alors que la Première ministre a dédié sa nomination à "toutes les petites filles".

Une "fibre écologique" 

Sur le papier en tout cas, la nouvelle cheffe du gouvernement coche toutes les cases voulues par Emmanuel Macron. Proche du bras droit d’Emmanuel Macron, Alexis Kohler, Élisabeth Borne correspond, selon l’entourage du chef de l’État, au profil recherché par ce dernier, à savoir une femme qui a la "fibre écologique et sociale". Ex-directrice de cabinet de Ségolène Royal, considérée comme appartenant à l’aide gauche de la "Macronie", la successeure de Jean Castex a été nommée en 2017 ministre des Transports sous le gouvernement Philippe. Deux ans plus tard, elle a récupéré le portefeuille du ministre de la Transition écologique et solidaire de François de Rugy alors empêtré dans l’affaire des "homards". Fidèle du chef de l’État, elle a survécu au remaniement de 2020 pour décrocher le ministre du Travail dans le gouvernement Castex. 

Alors qu’Emmanuel Macron avait promis de mettre l’urgence climatique au cœur de son nouveau mandat, le passage à la Transition écologique d’Élisabeth Borne a joué en sa faveur. Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028, décret sur la deuxième stratégie nationale bas carbone, la nouvelle cheffe du gouvernement a également porté le projet de loi énergie-climat. "Sa nomination est une excellente nouvelle pour l’écologie. Reste à vérifier quelle sera la place exacte de l’écologie dans l’organisation et la feuille de route du gouvernement ainsi que les moyens alloués", a tweeté Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement. Car pour l’instant, la suite reste floue. 

Une ministre "spectatrice" 

Quelle sera l’envergure de son poste ? Lors de son discours de Marseille, Emmanuel Macron s’était en effet engagé à nommer une Première ministre "directement chargé de la planification écologique", encadrée par deux ministres, le premier chargé de la "planification énergétique" et le second de la "planification écologique et territoriale". Si le chef de l’État a rencontré la semaine dernière un groupe d’experts du climat pour affiner les contours de ce grand ministère, il faudra encore attendre un peu avant connaître la place qui lui sera réservée. 

En attendant, les opposants politiques tirent à boulet rouge. Dans un tweet Jean-Luc Mélenchon a qualifié la nouvelle Première ministre d’une des "figures les plus dures de la maltraitance sociale" Marine Le Pen, elle, dénonce la "poursuite de la politique de mépris, de déconstruction de l’État, de saccage social". La nouvelle Première Ministre ne soulève pas l’enthousiasme non plus des ONG. "Élisabeth Borne a été une ministre "spectatrice", tacle Clément Sénéchal, porte-parole de Greenpeace, "Son bilan est marqué par quelques petites avancées, mais rien de structurant", abonde-t-il.

Après la formation du nouveau gouvernement, le prochain rendez-vous crucial sont les législatives où Élisabeth Borne se présente pour la première fois dans le Calvados. Selon les résultats, elle dispose d’un mois ou beaucoup plus pour convaincre que sa "fibre écologique et sociale" est suffisamment solide pour piloter la planification écologique de la France.

Anne-Catherine Husson Traore, @AC_HT, directrice générale de Novethic et la rédaction


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