Publié le 12 mai 2022
ENVIRONNEMENT
À quoi ressemblera la planification écologique version Emmanuel Macron ?
Pendant la campagne, le président Emmanuel Macron a promis que sa ou son futur Premier ministre sera chargé de la planification écologique. Elle devrait s'articuler autour d'un secrétaire général dédié à la planification écologique et de deux ministres. Une façon de mettre fin au grand ministère de la Transition écologique, qui n'a jamais réussi à s'imposer. Mais le profil du prochain Premier ministre sera déterminant.

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À l’approche de l’annonce du nouveau gouvernement, les contours de la planification écologique confiée au futur Premier ministre et défendue par Emmanuel Macron se dessinent. La semaine dernière, le chef de l'État a ainsi rencontré un groupe d'experts du climat pour avancer sur le sujet. "La méthode est inédite", reconnaît Morgane Nicol, directrice des territoires au sein du think tank I4CE et l'une des dix invités reçus à l'Élysée. "Chacun de nous lui a fait part de ses propositions. Emmanuel Macron a écouté mais n'a fait aucune annonce. À ce stade nous attendons de voir, mais le fait de confier au Premier ministre la planification écologique est une bonne chose" admet-elle.
Une telle évolution est également saluée par Jean Jouzel, lui aussi présent à cette rencontre. Le climatologue qui a côtoyé tous les ministres de l'Environnement affirme que "dans la configuration actuelle, on ne peut pas réussir la transition écologique car le ministère perd chaque fois dans les arbitrages". "Si le Premier ministre a bien les moyens techniques et humains d’assurer ce pilotage, notamment avec une équipe dédiée à sa main, composée de personnels provenant des différents ministères les plus concernés, alors il s’agit d’un potentiel bouleversement de la gouvernance écologique, la transition n’étant plus un facteur à arbitrer parmi d’autres mais la colonne vertébrale de l’action du gouvernement" abonde la consultante Marine Braud dans une note publiée par Terra Nova.
"Matignon pourrait s'appuyer sur deux ministères"
Dans un rapport entrepris au lendemain de la crise des Gilets jaunes et publié le 9 mai, France Stratégie défend aussi la création d’une nouvelle administration chargée de "planifier et d’orchestrer l’action publique" pour "concilier enjeux environnementaux, sociaux et démocratiques". Le centre de recherche rattaché à Matignon estime nécessaire de créer un "orchestrateur des soutenabilités" rattaché au Premier ministre.
"L’objectif de la nouvelle architecture est d’interministérialiser la transition écologique et qu’elle devienne la responsabilité de l’ensemble du gouvernement", explique Pascal Canfin. "Concrètement, le dispositif installé à Matignon pourrait s'appuyer sur deux ministères. L’actuel ministère de la transition écologique garde ainsi ses compétences, à l'exception de l'énergie. Un deuxième sera chargé de la planification énergétique : il devient autonome pour mettre en œuvre la feuille de route présentée à Belfort", ajoute l'eurodéputé LREM.
Cette organisation a aussi le mérite de faciliter les échanges entre les secteurs économiques et ainsi de fluidifier les accords de filières pour rendre la transition accessible à tous. "Par exemple, une solution de leasing proposée pendant la campagne sera mise en œuvre pour rendre l’achat de voitures neuves électriques accessible à tous, et pour concevoir cette solution nouvelle cela implique de mettre autour de la table les acteurs bancaires et financiers mais aussi les collectivités et l’Etat", indique Pascal Canfin.
Fin du "ministère de l'impossible"
Cette planification écologique rattachée à Matignon signe ainsi la fin du grand Ministère de la transition écologique. Robert Poujade, le premier ministre de l'Environnement, parlait déjà dans les années 1970 du "ministère de l'impossible", avec une espérance de vie pour son ministre parmi les plus courtes, 19 mois en moyenne. "Le ministre de l'Environnement c'est un gêneur, un empêcheur de polluer en rond. Il dérange tout le monde", ironise Corinne Lepage, elle aussi rompue à l'exercice.
Un constat partagé récemment dans deux ouvrages sortis simultanément* qui décrivent de l'intérieur les nombreux blocages auxquels doivent faire face les locataires de l'hôtel de Roquelaure : oppositions tenaces avec Bercy mais aussi l'Agriculture, omniprésence des lobbys, parlementaires sceptiques et même ONG environnementales systématiquement mécontentes. Jean Jouzel estime ainsi "qu’il est nécessaire de prendre les décisions directement à Matignon sinon il ne se passera rien". "Mais le profil et la volonté du prochain Premier ministre seront aussi primordiaux", prévient le spécialiste.
Concepcion Alvarez @conce1 & Mathilde Golla @Mathgolla
* "La poudre aux yeux, enquête sur le ministère de l'écologie" de Justine Reix, édition JCLattès, mars 2022 et "800 jours au ministère de l'impossible, l'écologie à l'épreuve du pouvoir" de Léo Cohen, éditions Les petits matins, mars 2022.