Publié le 23 janvier 2023

ENVIRONNEMENT

Reconstitution de la couche d’ozone : Une victoire qu'on ne peut pas répliquer au climat

Le trou dans la couche d'ozone devrait se résorber d'ici quarante ans au-dessus de l’Antarctique, et dès 2040 dans le reste du monde. Il avait été créé par la pollution humaine, particulièrement les chlorofluorocarbures (CFC) autrefois émis par de nombreux réfrigérateurs. Mais un protocole international a permis leur élimination. Une victoire qu’on pourrait répliquer au climat ? Réponse avec Sophie Godin-Beekmann, directrice de recherche au CNRS et présidente de la Commission internationale sur l’ozone.

Sophie Godin Beekmann couche d ozone CNRS
Sophie Godin-Beekmann est directrice de recherche au CNRS et présidente de la Commission internationale sur l’ozone.
@CNRS

Le trou dans la couche d’ozone ne sera résorbé que d’ici une quarantaine d’années. Peut-on s’en réjouir ?

C’est une bonne nouvelle oui, bien que les échéances paraissent lointaines. Les gaz qui détruisent l’ozone ont une longue durée de vie. Leur concentration dans la stratosphère (de 15 km à 50 km d’altitude) a atteint un pic à la fin des années 90 et au début des années 2000. Les impacts ne sont donc pas visibles tout de suite. La résorption du trou dans la couche d’ozone avait déjà été mentionnée dans le rapport précédent, datant de 2018. Elle se confirme. Par ailleurs, ce qui est nouveau cette année, c’est que la reconstitution de la couche d’ozone dans la haute stratosphère, à 40 kilomètres d’altitude, suit elle aussi une tendance positive.

Si les politiques actuelles restent en place, la couche d’ozone devrait ainsi retrouver son état d’avant 1980 d’ici à 2066 au-dessus de l’Antarctique, 2045 au-dessus de l’Arctique et dès 2040 dans le reste du monde. Nous avons évité la catastrophe ! Si nous n’avions rien fait, c’est la vie sur Terre qui était en péril car l’ozone est le seul gaz qui filtre les rayons ultraviolets du soleil.

Quel rôle a joué le protocole de Montréal, signé en 1987 et maintenant ratifié par 198 pays ?

Le protocole de Montréal et les différents amendements qui ont suivi, tel que l’amendement de Kigali sur les hydrofluorocarbones (HFC), ont joué un rôle clé. C’est un mécanisme robuste qui a l’avantage d’être piloté par la science. En 2018 par exemple, nous avions constaté une production illégale de chlorofluorocarbures (CFC) en Chine, pourtant complètement interdits depuis 2010. L’alerte a permis de réduire ces émissions et de retrouver une trajectoire normale. Mais il faut sans cesse s’assurer que les pays – tous les pays du monde ont ratifié le protocole – jouent le jeu et rapportent bien leurs émissions.

Vous alertez également sur les risques liés aux projets de géo-ingénierie développés dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Quels sont-ils ?

Un de ces projets consisterait à injecter une quantité considérable de particules de soufre dans la couche supérieure de l'atmosphère. C’est un procédé extrêmement controversé, dont l’ensemble des impacts ne sont pas connus. Mais nous savons déjà que cela va avoir un effet sur la destruction de l’ozone. Nous pourrions tolérer un léger retard dans la résorption de la couche d’ozone afin d’éviter des températures dangereuses. Mais il faut être extrêmement vigilants. Ce serait une fuite en avant et le risque est grand de relâcher les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Ne pourrions-nous pas répliquer le protocole de Montréal à la lutte contre le changement climatique ?

Le sujet du climat est beaucoup plus compliqué. Sur la couche d’ozone, il ne s’agissait que d’un nombre restreint de gaz, d’industriels concernés et d’applications, avec des substituts possibles. Éliminer les chlorofluorocarbures était réalisable. À l’inverse, sur la question climatique, c’est bien plus important puisque toute notre économie, nos modes de vie et de production dépendent des énergies fossiles, responsables du changement climatique. On pourrait par exemple choisir d’accélérer sur un gaz à effet de serre en particulier, comme le méthane qui a un pouvoir réchauffant très important et une courte durée de vie. Son élimination aurait un impact rapide sur la température mais aussi sur la qualité de l’air. Reste que beaucoup plus d’acteurs sont concernés (agriculture, producteurs d'énergies fossiles...) que dans l'industrie chimique.

Propos recueillis par Concepcion Alvarez @conce1


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