Publié le 17 octobre 2016
ENVIRONNEMENT
Climat : un accord historique sur l'élimination des très polluants gaz HFC
C’est une victoire significative dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les 197 Parties au Protocole de Montréal réunies à Kigali, au Rwanda, ont conclu ce week-end un accord pour éliminer progressivement les hydrofluorocarbures (HFC), au pouvoir extrêmement réchauffant. De bon augure à quelques semaines de la COP22.

Sean Gallup / Getty Images / AFP
C’est un accord majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique. La communauté internationale a adopté, dans la nuit de vendredi à samedi (le 15 octobre), un amendement au Protocole de Montréal. Un amendement qui prévoit d'éliminer progressivement les hydrofluorocarbures (HFC).
Ces gaz sont principalement utilisés comme réfrigérants, dans les climatiseurs et les réfrigérateurs. Si leur durée de vie dans l’atmosphère est relativement courte (environ 15 ans), leur pouvoir réchauffant est jusqu’à 14 800 fois supérieur à celui du CO2. Et leur augmentation extrêmement rapide : de 10 à 15% par an. On s’attend ainsi à voir 700 millions de nouveaux climatiseurs à travers la planète d’ici 2030 et 1,6 milliard d’ici 2050.
Il y avait donc urgence à se mobiliser. Réunies depuis deux semaines à Kigali, capitale du Rwanda, les 197 Parties au Protocole de Montréal, dont une quarantaine de ministres et le secrétaire d'État américain John Kerry, se sont accordées pour réduire de 85% l’usage des HFC d’ici 2047.
Un effort différencié
Cet objectif suit un calendrier progressif qui répartit les pays engagés en trois groupes :
- Les pays développés, comprenant les États-Unis et la plupart des pays d’Europe, devront réduire l’usage des HFC de 10% d’ici 2019 et les supprimer progressivement à horizon 2050.
- Le groupe "ambitieux de pays en voie de développement", qui inclut la Chine, a décidé de geler leur production d’ici 2024.
- Enfin, alors que le pays était pressenti comme un des freins à l’amendement, l’Inde et un petit groupe de pays moins ambitieux – principalement les pays du Golfe situés dans les régions les plus chaudes de la planète –, ont consenti à geler leur production de HFC d’ici 2028.
Afin d’accompagner la transition de ces régions, 16 pays (pays du G7 et pays nordiques) et 19 organismes et donateurs ont promis une aide de 80 millions de dollars (71,5 millions d'euros). "Le Protocole de Montréal est probablement l’accord le plus réussi sur la planète Terre… mis en œuvre jusqu’à la dernière virgule et par tous", a déclaré Erik Solheim, directeur exécutif du PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement), ajoutant "qu’un amendement HFC est l’atténuation la moins chère, la plus facile, et le fruit le plus mûr de l’arsenal de lutte contre le réchauffement climatique".
L’Amendement de Kigali, à la différence de l’Accord de Paris, est juridiquement contraignant et prévoit des sanctions en cas de manquement. Une clause de révision a par ailleurs été ajoutée pour permettre d’inscrire un calendrier plus ambitieux au regard du progrès technologique et des effets bénéfiques des réductions fortes qui auront déjà été opérées dans les pays les plus consommateurs de fluides.
Une réduction de 0,5°C d’ici 2100
Le Protocole de Montréal est en effet un des traités environnementaux les plus efficaces jamais négociés. Il a été adopté par 197 États en 1987 pour lutter contre la destruction de la couche d’ozone, qui devrait, grâce aux efforts consentis depuis cette date, retrouver son niveau des années 80 en 2050.
Mais la suppression définitive des chlorofluorocarbures (CFC), principaux responsables de la destruction de la couche d’ozone, a conduit à l’explosion des HFC utilisés en remplacement. S'ils sont bons pour l'ozone, les HFC se sont en revanche révélés désastreux pour le climat. D'où l'idée, lancée dès 2009, d'un amendement au Protocole de Montréal pour leur suppression.
L’accord adopté sept ans plus tard permettrait, selon les premières estimations, d’éviter l’émission de 72 milliards de tonnes équivalent CO2 d’ici 2050, soit l’équivalent des émissions annuelles de l’Allemagne. À terme, l'élimination des HFC pourrait réduire de 0,5°C le réchauffement mondial à horizon 2100, selon une étude publiée en 2015 par l’IGSD (Intitute for governance and sustainable development).
"Nous sommes venus pour éliminer la moitié d’un degré sur le réchauffement futur et nous avons obtenu quasiment 90% de cet objectif", a réagi Durwood Zaelke, président de l’IGSD et co-auteur de l’étude. "La majeure partie du fruit mûr a été récoltée et nous récolterons le reste au travers du marché des réfrigérants. Le Protocole a toujours fonctionné au biais de la méthode “démarrer d’abord, renforcer ensuite” et je suis confiant dans sa capacité à obtenir toute l’atténuation climatique disponible."
Le secteur privé déjà mobilisé
Certaines entreprises ont déjà commencé à mettre en place des alternatives. C’est le cas par exemple de Coca-Cola Enterprises. Son objectif : parvenir à zéro HFC à l’horizon 2020 dans le matériel réfrigéré qui porte le nom de la marque, tels que les distributeurs automatiques et les armoires réfrigérées que l’on trouve dans les stations-service, les supermarchés ou les boulangeries. Fin 2015, le groupe avait installé 1,8 million de matériel HFC-free à travers le monde. Pour un gain économique de 400 millions de dollars par an, dû à l’efficacité énergétique, et l’équivalent de 3,1 millions de tonnes de CO2 évitées chaque année.
Coca-Cola fait notamment partie de l’initiative Refrigerants, Naturally!, lancée par les Nations Unies et Greenpeace avec Pepsico, Redbull, Unilever et SABMiller. À elles cinq, ces entreprises ont déjà mis sur le marché 4,5 millions de matériel HFC-free, contribuant à éviter l’émission de 27 millions de tonnes de CO2.
Plus récemment, le Consumer Good Forum, qui regroupe 400 grandes entreprises mondiales dans le domaine de la grande distribution (L’Oréal, Carrefour, Walmart, Nestlé ou encore Tesco), a soutenu l’inclusion des HFC dans le protocole de Montréal. Ses membres ont d’ores et déjà accepté d'éliminer progressivement les produits contenant des HFC.
De bons signaux avant la COP22
L’amendement au Protocole de Montréal obtenu ce week-end, couplé à l’entrée en vigueur prochaine de l’Accord de Paris et à l’accord obtenu récemment au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), sont autant de signaux positifs à quelques semaines de la COP22 organisée à Marrakech (Maroc).
"La marche vers Marrakech commence aujourd’hui à Kigali, avec cette décision d’éliminer le réchauffement issu des HFC. C’est l’étape la plus importante de la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Aujourd’hui nous avons mis en place des dispositions obligatoires aux fins de diminuer un 'super gaz à effet de serre' et nous le ferons au moyen d’un outil qui a toujours fonctionné : le Protocole de Montréal", s’est ainsi réjouie Hakima El Haite, ministre de l’Énergie, l’eau et l’environnement du Maroc et championne du climat pour la COP22. "Un mouvement global d’action concrète à grand échelle a commencé et nous ne retournerons pas en arrière."