Publié le 07 septembre 2023
ENVIRONNEMENT
[Infographie] L'explosion des litiges climatiques ouvre un nouveau front dans la lutte environnementale
Les affaires climatiques ont explosé ces dernières années. On dénombre désormais 2341 dossiers déposés devant les tribunaux de 51 pays du monde entier, bien que les États-Unis concentrent les deux tiers des cas. Selon plusieurs études, les résultats judiciaires sont dans la majorité des cas positifs pour l'action climatique, faisant de ce levier une nouvelle arme dans la lutte climatique.

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On les comptait sur les doigts d’une main au début des années 2000. Ils sont désormais des milliers. Selon les données du Sabin Center for Climate Change Law de l’université de Columbia (États-Unis), 2 341 contentieux climatiques au total ont été déposés devant les tribunaux d’une cinquantaine de pays à travers le monde. Leur nombre a explosé depuis l’Accord de Paris de 2015 : ils ont ainsi été multipliés par trois sur cette période.
"Les citoyens se tournent de plus en plus vers les tribunaux pour lutter contre la crise climatique et demandent des comptes aux gouvernements et au secteur privé. Les contentieux liés au climat deviennent un mécanisme clé pour garantir l'action climatique et promouvoir la justice climatique", se réjouit Inger Andersen, Directrice exécutive du PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement) qui a publié un rapport sur le sujet cet été.
Hausse des affaires dénonçant le greenwashing des entreprises
Si la majorité des affaires sont concentrées aux États-Unis (deux tiers des litiges y ont été déposés), le nombre de contentieux augmente partout ailleurs. En deuxième position, se trouve ainsi l’Australie (130 cas), puis le Royaume-Uni (102 cas) et l’Union européenne (67 cas). Environ 17% des cas enregistrés ont aussi été ouverts dans les pays en développement, y compris les petits États insulaires en développement. Et sur les douze derniers mois, sept nouveaux pays ont été le théâtre de contentieux climatiques, parmi lesquels la Chine et la Russie, dont les empreintes carbones figurent parmi les plus élevées au monde.
Une autre analyse publiée fin juin par l’institut de recherche Grantham sur le changement climatique et la London School of Economics montre également que les cas dénonçant le greenwashing des entreprises étaient en hausse. Au total, 26 procédures de ce type ont été dénombrées en 2022, contre seulement 6 en 2019, portant le total à 81 cas. On peut citer plusieurs exemples. En France, TotalEnergies est ainsi poursuivie pour pratiques commerciales trompeuses sur ses allégations de neutralité carbone. En mai dernier, le Tribunal judiciaire de Paris a jugé le recours des ONG recevables, ouvrant la voie à un débat sur le fond. Début juin, la Fifa (Fédération internationale de football association) était condamnée pour greenwashing après avoir promue la Coupe du monde 2022 au Qatar comme "neutre en carbone".
Des impacts positifs pour l'action climatique
Dans plus de la moitié des décisions, les affaires climatiques ont par ailleurs "des résultats judiciaires directs considérés comme favorables à l’action climatique" note également l’institut Grantham dans son analyse. On peut là encore citer plusieurs cas, dont le plus emblématique : un tribunal néerlandais a ordonné à la compagnie pétrolière et gazière Shell de se conformer à l'Accord de Paris et de réduire ses émissions de CO2 de 45% par rapport aux niveaux de 2019 d’ici à 2030. C'est la première fois qu'un tribunal estime qu'une entreprise privée a une obligation au titre de l'Accord de Paris.
En France, l’Affaire du siècle a également abouti à la condamnation du gouvernement pour inaction climatique, le juge l'obligeant à réparer le préjudice causé. Plus récemment, de jeunes Américains, âgés de 5 à 22 ans, qui accusaient l'État du Montana d'avoir violé leur droit à un environnement sain, ont à leur tour remporté une victoire historique. La juge leur a donné raison, invoquant la Constitution de l'État américain. Une première.
À l’avenir, le nombre de contentieux climatiques devrait encore augmenter et porter sur les migrations climatiques mais aussi le lien entre climat et perte de biodiversité, la protection des océans ou encore sur la responsabilité à la suite d'événements météorologiques extrêmes, préviennent les spécialistes. En juin dernier, un comté de l'Oregon, aux États-Unis a ainsi porté plainte contre de grands groupes pétroliers accusés d'être responsables du dôme de chaleur de 2021, qui avait touché l'ouest du pays et le Canada.