Baisse de la voilure pour l’eau en bouteille, fermetures forcées d’usines à cause de la sécheresse, restaurants en pause pour éviter les malaises lors des canicules… Depuis l’été 2022, les exemples d’impacts du changement climatique se multiplient. Et ce n’est qu’un avant-goût, la France ne s’est réchauffée "que" de 1,7 degré contre 4 degrés envisagés en 2100 selon les projections des chercheurs du CNRS et de Météo-France publiées en octobre 2022.
Nombre d’entreprises ont compris l’urgence d’anticiper le changement climatique mais se sentent prises de court. Pour évaluer les impacts, il faut éplucher des rapports, croiser des milliers de données, faire appel à des scientifiques de disciplines variées… Un travail si conséquent qu’il a donné naissance au poste de "manager d’adaptation au changement climatique", cité dans le top 5 des métiers engagés les plus en vogue en 2023 par le cabinet de recrutement Birdeo. Ce poste se développe aussi dans des cabinets de conseil spécialisés sur le sujet, comme Axa Climate, qui a vu son chiffre d’affaires quadrupler en 2022.
Synthétiser des millions de données
"Nous évaluons et quantifions l’exposition des entreprises au changement climatique et la vulnérabilité de leurs activités directes : produire, transporter, stocker, livrer. Nous étudions aussi l’ensemble de leur chaîne de valeur, par exemple les centrales de production d’électricité ou les agriculteurs fournissant des matières premières", explique Julien Famy, responsable des activités de conseil d’Axa Climate depuis plus d’un an et également consultant. Il s’agit de synthétiser toute la connaissance à disposition pour estimer les impacts du changement climatique en 2030 et 2050. Cela va de la lecture des rapports du GIEC à des rencontres avec des experts, par exemple en hydrologie ou encore sur la question des feux de forêts.
"Nos consultants sont majoritairement des généralistes, curieux, venant par exemple de grandes écoles d’ingénieur ou de commerce ou encore de Sciences Po", explique le responsable. Lui-même, avec 25 ans d’expérience dans le conseil pour l’amélioration des performances environnementales et sociales des entreprises, a acquis une vision transversale des enjeux. Chez Axa Climate, les consultants se spécialisent ensuite dans l’un des domaines suivants : l’industrie, l’agroalimentaire, les services financiers ou encore les pays émergents.
A la compréhension globale s’ajoute la précision locale. Les consultants en adaptation travaillent main dans la main avec des Data Analysts, spécialistes du traitement de quantités massives de données comme la végétation ou les catastrophes naturelles passées. La précision atteint 30 mètres contre environ 100 kilomètres dans les modèles du GIEC. Si certains sujets sont bien connus, comme les risques de crues liées à des pluies violentes, d’autres le sont moins, comme les risques de grêle.
"Aucun secteur n’est épargné"
"Lorsqu’il fera 45 degrés en été, les opérateurs ne vont plus pouvoir travailler ou leurs conditions de travail vont sérieusement se détériorer", illustre Julien Famy. Inondations d’usines ou de routes, tempêtes dévastatrices, pénuries de matières, remontée vers le Nord de cultures agricoles… Les impacts sont nombreux. "Aucun secteur n’est épargné", prévient le consultant expérimenté.
La pédagogie est de mise. "Nos clients sont souvent choqués de l’ampleur des impacts", lance Julien Famy. Il faut aussi expliquer les différents scénarios et expliquer pourquoi "nous nous rapprochons du plus pessimiste", raconte-t-il. Malgré tout, il y a aussi des bonnes surprises. "Il ne faut pas avoir d’a priori. Par exemple, la diminution de la pluviométrie en Inde n’est pas homogène, il y a de nombreux microclimats parfois bénéfiques et qui peuvent poussent à investir là-bas" décrit le consultant.
"Derrière les constats, il y a un plan d’action pour se protéger, c’est plus facile à accepter", affirme Julien Famy. Les solutions doivent aussi aller dans le sens de l’atténuation du changement climatique. Exit la clim, les consultants encouragent l’isolation et les toits végétalisés. Certains changements se bâtissent aussi au sein d’une filière, comme le recyclage des métaux, qui sont indispensables à l’électrification mais déjà menacés de pénurie. Si le modèle économique de l’entreprise peut être questionné, "il est encore compliqué de parler de décroissance, c’est très sensible car politisé", témoigne Julien Famy.
Fanny Breuneval