Publié le 2 avril 2025

Interdire les publicités pour les vols en avion ou les SUV, taxer les annonceurs ou les plateformes, mieux réguler le secteur… Un rapport ministériel choc fait des propositions pour réguler la publicité et encourager la transition écologique.

Interdire les publicités les moins écologiques ? C’était l’une des propositions phare de la Convention citoyenne pour le climat dans son rapport publié en juin 2020, avec pour objectif de faciliter la transition vers des modes de vie plus durables. C’est désormais aussi l’une des recommandations émanant d’un rapport commandé par le Secrétariat général à la planification écologique, instance interministérielle dirigée par Matignon. Co-écrit par l’Inspection générale des finances (IGF), l’Inspection générale de la culture (IGAC) et l’Inspection générale du développement durable (IGEDD), ce rapport choc de près de 500 pages, révélé par le média l’Informé, pose un diagnostic clair sur les liens entre publicité, surconsommation et crise écologique.

Il appelle ainsi à réfléchir à l’interdiction des publicités pour les produits et services les plus polluants, comme les énergies fossiles, les SUV et autres voitures très polluantes, les vols en avion pour les trajets courts ou certains aliments. Mais le rapport va plus loin, et propose de mettre en place une toute nouvelle structure de régulation de la publicité, pour éviter les dérives des communications commerciales qui “incitent à consommer davantage et promeuvent aujourd’hui majoritairement des produits altérant l’environnement et la santé”, expliquent les auteurs.

Plafonner la quantité de publicités

Les hauts fonctionnaires des inspections générales proposent notamment de mettre fin à l’auto-régulation du secteur de la publicité. L’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité), organisation administrée par les représentants des professions publicitaires (annonceurs, agences, médias, régies et supports publicitaires) et chargée de contrôler la loyauté des pratiques publicitaires, serait ainsi placée sous la tutelle du législateur et d’une autorité administrative indépendante, l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique). Objectif : garantir une mise en place plus efficace et indépendante des contrôles et d’éventuelles sanctions en matière de respect des règles notamment sur le greenwashing, omniprésent en France selon les autorités de contrôle. Depuis plusieurs années maintenant, l’ARPP fait en effet l’objet de vives critiques de la part de la société civile pour sa partialité dans la régulation du secteur. Plusieurs ONG avaient d’ailleurs quitté l’instance en 2020, en signe de protestation.

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Le rapport propose également d’augmenter les taxes sur la publicité, notamment sur les grands annonceurs, mais également sur le chiffre d’affaires issu des publicités diffusées sur les plateformes numériques et les réseaux sociaux. L’objectif global serait également de plafonner la quantité de publicités diffusées en France, notamment sur les réseaux sociaux. Pour orienter la publicité vers des produits plus vertueux sur le plan écologique ou sanitaire, les auteurs estiment qu’il serait pertinent de développer et de généraliser l’affichage environnemental dans les communications commerciales, mais également de renforcer l’usage du Nutriscore. Autre proposition : réduire ou interdire les publicités à destination des enfants pour des aliments avec un Nutriscore D ou E.

Un rapport confidentiel

Interrogée par Novethic, Céline Réveillac, présidente de l’association Communication et Démocratie, qui travaille depuis plusieurs années sur la régulation de la publicité, confirme que le rapport “établit un cadre solide pour mettre en débat la place de la publicité dans notre société”. Plusieurs des recommandations du rapport étaient d’ailleurs portées depuis des années par les associations de protection environnementale et les organisations spécialisées. Mais selon l’Informé, qui a révélé le rapport, ce dernier n’était pas destiné à être publié et était resté depuis plusieurs mois confidentiel. Signe de la frilosité des pouvoirs publics sur le sujet ?

Emmanuel Macron avait en tout cas personnellement décidé d’écarter les propositions de la Convention citoyenne sur la publicité, jugées trop controversées. Les dispositions de la loi Climat et Résilience de 2021 sur le sujet n’avaient pas réellement permis de faire progresser la prise en compte de l’écologie dans la publicité. Plusieurs propositions de loi sont par ailleurs en débat et avancent difficilement au Parlement : une proposition de loi sur l’encadrement de la publicité pour l’alcool par les influenceurs en ligne, un volet sur la régulation de la publicité dans la proposition de loi anti-fast fashion… Mais les travaux traînent et le gouvernement n’a toujours pas engagé de vraie réflexion sur la régulation de la publicité, pourtant cruciale pour la transition écologique et la sobriété. “Il est urgent que le gouvernement prenne ses responsabilités, clarifie sa position et engage les chantiers” commente Céline Réveillac.

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