Publié le 19 juillet 2024

Microsoft tombe en panne et c’est le monde entier qui tourne au ralenti. Alors que les hôpitaux, aéroports et entreprises subissent de plein fouet cette panne, la dépendance aux Big tech pointe notre manque de résilience.

Des hôpitaux perturbés, des avions cloués au sol, des médias incapables d’émettre, des institutions financières paralysées… C’est le résultat de la panne informatique massive qui frappe le monde depuis quelques heures ce vendredi 19 juillet. Dans de très nombreuses infrastructures et grandes entreprises partout sur la planète, c’est le même symptôme : le BSOD (Blue Screen of Death), l’écran bleu qui signale une panne critique du système, notamment sur les ordinateurs équipés des systèmes Windows.

Des hôpitaux européens et des systèmes administratifs ont été perturbés. Les lignes ferroviaires britanniques et belges, mais aussi plusieurs aéroports internationaux dont ceux de Zurich ou encore de Berlin ont dû mettre en pause leurs activités, ou assurer un service dégradé. Aux Etats-Unis, l’ensemble du secteur aérien a été bouleversé, comme le montre cette animation du trafic aérien américain durant les 12 premières heures de la panne :

La bourse londonienne mais aussi les médias de plusieurs pays, dont TF1 et Canal+ en France, ont également été impactés. Même l’organisation des Jeux Olympiques à Paris est touchée. Le système d’accréditations est altéré empêchant certaines personnes de retirer leur badge, a indiqué à l’AFP une source au sein du comité d’organisation.

Une mise à jour fautive 

Le problème serait lié à une mise à jour défectueuse de l’un des logiciels de l’entreprise de cybersécurité Crowdstrike, qui fournit des solutions logicielles de sécurité pour le cloud notamment pour Microsoft. Des millions de machines ont ainsi été affectées, des systèmes de paiement aux dispositifs d’affichage. Sur BFMTV, Raphaël Grably, rédacteur en chef de Tech&Co explique : “on a une brique qui dysfonctionne, et comme l’ensemble du système repose en partie sur cette brique, ça fait un effet domino qui affecte tous les secteurs.”

Pour l’heure, la société Crowdstrike a annoncé avoir trouvé l’origine de la faille mais cherche encore une solution pour rétablir le fonctionnement normal de ses systèmes dans les prochaines heures. En attendant, les infrastructures affectées tentent tant bien que mal de s’adapter, et celles qui reprennent leurs activités le font de manière dégradée, en résolvant les bugs au fil de l’eau. Crowdstrike a d’ailleurs publié un tutoriel permettant aux opérateurs de supprimer la mise à jour manuellement en attendant que la situation soit rétablie. Face à cette crise inédite, les bourses mondiales ont déjà amorcé leur chute.

Un manque de résilience

Derrière cette panne, c’est la double question de notre dépendance au numérique et de la centralisation des systèmes informatiques qui se dessine. Le système économique mondial, très largement structuré sur les technologies numériques et reposant sur des systèmes contrôlés par un nombre très restreints d’acteurs privés (notamment les GAFAM) est particulièrement fragile lorsque l’un de ces systèmes dysfonctionne. Bernard de Rubinat, expert en gestion de projets informatiques, explique ainsi sur les réseaux sociaux : “La centralisation de nos services dans un cloud unique peut offrir des avantages en termes de gestion et de coûts, mais elle expose également nos systèmes à des risques majeurs en cas de défaillance.

Sur le plan technique et technologique, l’omniprésence des géants de la tech inquiète. “Ca fait très longtemps que Microsoft est accusée d’être en situation de monopole abusif sur l’ensemble du système informatique mondial”, analyse ainsi sur LCI Aurélie Trouvé, députée du Nouveau Front Populaire qui s’émeut du “pouvoir exorbitant” que peuvent avoir les multinationales du numérique sur nos vies quotidiennes. Comme le rappelait la chercheuse spécialisée en géopolitique du numérique Ophélie Coelho il y a quelques semaines, dans une tribune dans Le Monde, Microsoft et l’ensemble des GAFAM mettent en effet en place depuis plusieurs années des stratégies de lobbying et de prédation économique pour renforcer cette situation de monopole. Beaucoup d’acteurs s’interrogent d’ailleurs sur les manières de sortir de cette dépendance, et de créer une forme de souveraineté ou de décentralisation numérique. “Il est peut-être temps de repenser notre stratégie et d’envisager des solutions hybrides-cloud ou multi-cloud pour garantir une résilience optimale”, conclut Bernard de Rubinat.

Un risque financier

La question de l’impact du monopole des Big Tech a été posée à de multiples reprises, notamment en 2021 lorsqu’une panne de la galaxie Facebook avait privé des millions d’habitants de moyens de communications. La démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, sénatrice de New York, expliquait ainsi : “Si le comportement monopolistique de Facebook avait été contrôlé au moment où il aurait dû l’être (peut-être au moment où il a commencé à acquérir des concurrents comme Instagram), les continents de personnes qui dépendent de WhatsApp et Instagram pour communiquer ou faire du commerce se porteraient bien en ce moment. Brisez-les”.

Au-delà des dysfonctionnements générés par ces pannes, c’est aussi un risque financier qui émerge. Les géants de la tech appelés les “sept magnifiques” dont Microsoft et Meta (maison mère de Facebook) règnent sur Wall Street. Ces mastodontes représentent le tiers de la capitalisation de tout le S&P500, l’indice composé des 500 plus grandes entreprises cotées américaines, entraînant un risque systémique pour l’économie mondiale, y compris sur le plan financier. 

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