650 millions de dollars. C’est la somme que va débourser le cabinet de conseil américain McKinsey, dans le cadre d’un accord juridique passé avec le gouvernement fédéral des Etats-Unis. Cet accord vise pour l’entreprise à éviter un procès pénal, alors que sa responsabilité est mise en cause dans la grave crise sanitaire que traversent les Etats-Unis à cause de la consommation d’opiacés. Le Department of Justice (DoJ) menait en effet une enquête sur les missions de conseil de McKinsey auprès de certains industriels du secteur pharmaceutique américain, visant à doper les ventes d’opiacés dans le pays, au point de favoriser le développement des addictions chez les citoyens américains.
“C’est la première fois qu’un cabinet de conseil en gestion est tenu pénalement responsable de conseils ayant entraîné la commission d’un crime par un client” a ainsi expliqué par communiqué le DoJ. C’est aussi l’une des plus importantes amendes infligées à une entreprise pour sa responsabilité dans des activités de conseil.
“Une stratégie dangereuse”
McKinsey était notamment poursuivi pour avoir conseillé l’entreprise pharmaceutique Purdue Pharma en vue de “booster” les ventes de son médicament OxyContin (ou oxycodone), qui connaissaient alors des ralentissements. McKinsey aurait alors mis en place avec l’entreprise plusieurs stratégies visant à développer massivement les ventes, en incitant notamment à augmenter le dosage des médicaments vendus, voire en contournant la réglementation. Les autorités judiciaires américaines considèrent que l’entreprise a ainsi contribué, en connaissance de cause, au développement de l’addiction aux opiacés dans la population américaine.
“La stratégie de McKinsey a abouti à des prescriptions d’OxyContin qui étaient dangereuses, médicalement inutiles, dépourvues d’objectif légitime et souvent détournées”, a ainsi déclaré le procureur américain Christopher Kavanaugh du district ouest de Virginie. Selon le New York Times, McKinsey aurait même proposé à Purdue Pharma d’offrir aux pharmacies commercialisant ses médicaments des rabais lorsque leurs ventes conduisaient à des addictions ou à des overdoses.
En acceptant de payer cette amende pour éviter le procès, McKinsey reconnaît sa responsabilité dans la crise sanitaire liée à l’addiction aux opiacés aux Etats-Unis. Par communiqué, l’entreprise a présenté ses excuses et a dit regretter les conseils qu’elle a apportés aux producteurs d’opiacés. “Nous aurions dû comprendre les dommages causés par les opioïdes dans notre société et nous n’aurions pas dû entreprendre de travail de vente et de marketing pour Purdue Pharma” a ainsi déclaré l’entreprise. McKinsey était également accusée d’entrave à la justice, après qu’un ancien cadre du groupe ait détruit des documents portant sur les relations de l’entreprise avec l’industrie pharmaceutique.
La responsabilité des cabinets de conseil en question
Aux Etats-Unis, la crise des opiacés a provoqué près de 850 000 décès durant les 20 dernières années, et constitue un problème de santé publique majeur. En 2023, près de 90 000 personnes sont décédées suite à des overdoses notamment médicamenteuses. La multiplication de la consommation de médicaments opiacés et des overdoses de tels médicaments est l’un des facteurs explicatifs de la baisse de l’espérance de vie dans le pays, qui a perdu de près de deux ans depuis 2014.
Durant près de 15 ans, McKinsey a généré près de 500 millions de dollars de chiffre d’affaires en conseillant les industries pharmaceutiques fabricant les médicaments opiacés pour développer leur consommation aux Etats-Unis, avant d’arrêter de conseiller ce secteur en 2019. Suite à la signature de l’accord judiciaire, McKinsey sera sous surveillance pendant cinq ans pour améliorer ses pratiques de conformité et détecter d’éventuelles activités problématiques dans son modèle d’affaires.
McKinsey est par ailleurs mis en cause dans de nombreuses affaires de corruption impliquant des gouvernements au niveau mondial. En France, l’entreprise est sous le coup d’une enquête à la fois pour pratiques de corruption, fausses factures et fraude fiscale, pour avoir notamment illégalement participé à la campagne du candidat Emmanuel Macron en 2017 et 2022. L’entreprise est également accusée d’avoir soutenu le lobbying des industries des énergies fossiles lors de la COP28 sur le climat.