Publié le 29 septembre 2020
SOCIAL
"L’autorégulation de la publicité est un échec", dénonce France Nature Environnement qui choisit la politique de la chaise vide
Après 12 ans de participation à l’organe de concertation de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité, France Nature Environnement (FNE) claque la porte. Pour l’association, qui était la seule représentative de la défense de l’environnement dans cet organisme, celui-ci défend les intérêts des annonceurs "contre vents et marées", au détriment de l’urgence climatique et de la demande "pressante" des citoyens de se transformer.

@FroggyFrogg
"Culture du débat contradictoire presque inexistante, incapacité à traiter les sujets de fond, stratégie d’influence bien huilée"… Après 12 ans de participation, France Nature Environnement claque la porte de l'organe de concertation de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Pour l’association environnementale, le compte n’y est plus : "l’autorégulation de la publicité est un échec".
Le départ de l'association a été provoqué par la publication d'un rapport du Conseil d'éthique de la publicité, en septembre. Intitulé Publicité et nouvelles censures, la publicité bouc émissaire, le CEP, qui a pour mission "d'éclairer l'ARPP sur les problèmes éthiques que posent la publicité", y affirme que les demandes "très radicales" de la Convention citoyenne sur le climat notamment conduisent à une "véritable police de la pensée, au nom d’une morale et d’une bien-pensance", qui conduit à la "censure", "la haine sociale" et "une tyrannie des minorités".
Un climat tendu
Pour FNE, le temps du dialogue est donc terminé. "Après 12 ans de tentatives ratées, nous ne pouvons plus cautionner une institution incapable de faire évoluer le secteur publicitaire. Seule une modification en profondeur de l’organisation, pour la rendre indépendante des professionnels, permettra de répondre réellement aux attentes citoyennes en matière de transition écologique", assure Rita Fahd, administratrice de FNE.
Ces derniers temps, l'opposition entre les écologistes et les professionnels de la publicité était particulièrement forte. En mai dernier, la révision des lignes directrices sur les questions de développement durable avait déjà déçu l’association qui ne cachait pas ses doutes sur la volonté de l’ARPP de mieux prendre en compte l’urgence environnementale dans ses pratiques. Puis quelques semaines plus tard, c’est un avis défavorable concernant une publicité pour un vélo électrique au motif qu’elle dénigre l’industrie automobile qui avait suscité l’incompréhension.
"La publicité a besoin d'un nouveau cadre"
D’autant que le rapport bilan 2020 de l’ARPP et de l’Ademe montre une hausse des cas de greenwashing pour la première fois en 10 ans. 11,6% des 833 publicités environnementales analysées y sont jugées non conformes par l’Ademe, soit le double du dernier bilan. Des "mauvais résultats" qui "interrogent sur la capacité des acteurs à réellement se mobiliser pour promouvoir, dans le respect des règles déontologiques, des produits/services et des imaginaires compatibles avec la transition écologique et la lutte contre le changement climatique", écrit Valérie Martin, Chef du service Service Mobilisation Grand Public, Presse et Institutionnel (SMGPPI) de l’Ademe.
Reste qu’avec le retrait de la dernière grande organisation généraliste de l’environnement, c’est l’ensemble du processus de participation à la régulation publicitaire qui se fragilise. "Tout le processus initié par le Grenelle de l’environnement (initié en 2007, NDR) sur la régulation publicitaire s’effondre. C’est symbolique et puissant", affirme ainsi Thierry Libaert, membre du Comité économique et social européen et expert en communication des organisations, à AEF développement durable. Pour FNE, "la publicité a besoin d’un nouveau cadre". Plusieurs propositions de loi, comme celle du groupe EDS sorti récemment, sont justement en préparation et l'association assure être déjà en "ordre de bataille" pour faire passer ses messages.
Béatrice Héraud @beatriceheraud