Le compte à rebours a commencé. Les premières entreprises concernées par la directive sur le reporting de durabilité, ou CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) préparent en ce moment leurs premiers rapports, en vue d’une publication l’an prochain. Un dossier complexe, qui nécessite une mobilisation globale dans les entreprises. Et dans certaines organisations, la question de savoir qui doit gérer le pilotage de la CSRD n’est pas encore tout à fait résolue.
Pour Hugo Mickeler, expert de la CSRD chez Novethic, “on constate parmi les entreprises concernées un certain flou sur l’organisation. Les discussions en interne sur quel département récupère le sujet sont animées, surtout dans les petites structures.” Qui, de la direction RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), de la direction financière, des ressources humaines ou encore de la communication, doit être à la manœuvre pour chapeauter la mise en oeuvre de la CSRD ? Qui doit établir la matérialité des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ? Qui doit récolter, harmoniser et mettre en forme les données ? Voilà le débat.
Un binôme RSE et finance pour gérer la CSRD ?
Dans les grandes entreprises qui étaient déjà concernées par la DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière), le département RSE est historiquement aux commandes du reporting extra-financier. Mais la nature transverse du reporting de durabilité bouleverse parfois les organisations traditionnelles des entreprises. La CSRD, qui est structurée autour de la notion de double matérialité, est un reporting intégré, à la fois financier et extra-financier. La fonction finance est alors une partie prenante essentielle. Et comme le reporting est aussi un outil de communication avec les parties prenantes, les directions de la communication, qui sont parfois liées aux directions RSE, pourraient aussi prétendre à la gestion de la CSRD. Il peut vite être difficile de s’y retrouver. “Dans certaines entreprises, on en arrive à des situations ubuesques où c’est la qualité ou l’immobilier qui récupère la CSRD”, constate ainsi Hugo Mickeler.
“La gouvernance de la CSRD, c’est un sujet qui nous occupe depuis plusieurs mois”, confirme Sébastien Mandron, administrateur du Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D). Au sein de l’association, qui réunit les professionnels de la RSE issus notamment de grandes entreprises, une tendance ressort : “quand il y a une direction RSE, c’est souvent elle qui a le lead sur le pilotage de la CSRD, et quand il n’y en a pas, c’est parfois la finance. Mais dans tous les cas, il faut que ces deux entités travaillent ensemble”. Delphine Gibassier, consultante spécialisée, va dans le même sens : “ce que je préconise, c’est un binôme RSE-finance”, explique-t-elle. La direction financière, habituée à la rigueur des reportings, pourra notamment contribuer à la cohérence et à la consolidation des données, en vue notamment des audits. Quant au responsable RSE, “il a la vision globale de la durabilité, la connaissance des enjeux, et des méthodologies de reporting sur les indicateurs extra-financiers”, ajoute Sébastien Mandron.
Impliquer les directions, les opérations et la gouvernance
Mais au-delà du pilotage, ce sont presque toutes les directions qui peuvent être sollicitées dans le cadre de la CSRD. En fonction des thématiques, la CSRD va mobiliser la direction des risques, les achats, les opérations… Récemment, une étude publiée par l’Association Nationale des Directions des Ressources Humaines et l’Observatoire de la RSE montrait ainsi que 51% des entreprises attribuent le pilotage des normes sociales de la CSRD à la Direction des Ressources Humaines. “L’enjeu, c’est de coordonner et mobiliser l’ensemble des équipes. C’est complexe, certes, mais au regard des enjeux, on ne peut pas éviter une certaine complexité”, analyse Sébastien Mandron. Pour lui, le responsable RSE a alors un rôle d’organisateur et de facilitateur, pour faire dialoguer entre elles des directions qui ne se parlent pas toujours.
C’est aussi lui qui est le mieux placé pour porter le sujet auprès du conseil d’administration. Avec l’audit obligatoire et la certification des rapports par les organismes tiers indépendants, la gouvernance est en effet elle aussi au cœur des problématiques de durabilité. Le travail de pédagogie et de mobilisation est alors indispensable pour impliquer la gouvernance, les administrateurs, et les dirigeants, afin qu’ils incarnent le projet de durabilité de l’entreprise. C’est d’ailleurs l’un des apports majeurs de la directive européenne : faire de la durabilité un projet global au sein des entreprises, qui mobilise tous les acteurs.